Val Thorens

Val Thorens


"Notre devoir le plus impérieux est peut-être de ne jamais lâcher le fil de la Merveille. Grâce à lui je sortirai vivante du plus sombre des labyrinthes." Christiane Singer

De Val en Val, du Val d'Escreins à Val Thorens, tour de France de "nos" montagnes.

Depuis le premier jour, ce tour d'Europe en camion est bien plus qu'un voyage, que des vacances ou qu'une simple façon de passer le temps. C'est une année de transition dont le principe serait de changer en or toutes nos épreuves de plomb. "Il est frappant de constater que le monde change dès que nous changeons la perception que nous en avons" (j'ai griffonné cette note dans mon carnet de voyage, mais je ne suis plus sûre de son auteur). Depuis le début, cette intuition que nous devons accepter cette traversée du vide, lâcher le besoin de certitudes concernant l'avenir, notre avenir, et que de notre "évolution" intérieure naitra notre révolution extérieure... En somme, la sensation de devoir jeter un pont par dessus l'abîme auquel l'océan Atlantique sert de métaphore. Et quel qu'impérieux que soit notre désir de traverser, la conviction que seule notre foi en la vie nous permettra d'achever le chemin. Vous qui traversez peut-être le vide en ce moment-même : le vide amoureux, le vide professionnel ou tout autre vide, vous comprendrez certainement ce que je décris-là. On ne peut pas tricher ni faire semblant, impossible aussi d'aller plus vite que la musique. Pas étonnant alors que notre route alchimique nous ait mené presque par "hasard" dans le petit val où j'ai passé enfant tous mes étés (cf article précédent) puis à Val Thorens où Yoann est né et a grandi. Nous suivons simplement le fil...

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11 août 2017

Nous reprenons la route pour la troisième partie de notre tour d'Europe. Après la boucle sud-ouest autour de l'Espagne et du Portugal, la boucle nord-ouest autour de l'Angleterre et de l'Ecosse, nous nous apprêtons à dessiner la boucle nord-est à travers l'Europe centrale en direction de la Laponie. Comment prépare-t-on un périple de plusieurs mois ? Je ne saurais vous dire... nous ne préparons pas. Je crois que c'est ça qui nous plaît dans le voyage : l'improvisation, la spontanéité, l'adéquation à l'ici et maintenant. Tout ce qui manque trop souvent à nos vies tellement réglées. Le voyage doit être transgression. Nous avons donc pris à peine quelques minutes pour décider de la direction à prendre, vérifier les éventuelles formalités administratives ainsi que les conditions sanitaires pour nos trois chiens-loups et pris la route. Seule la première étape est connue : ce sera Val Thorens.

Val Thorens c'est le Val de Yoann. Ni moi, ni les enfants n'y avions jamais mis les pieds mais rapidement il nous est apparu que nous devions y remédier avant de quitter l'Europe. Val Thorens était dans les albums photos, les conversations et les souvenirs d'enfance ; il faisait partie de la légende familiale : une histoire à la Al Pacino, un récit comme les aime Hollywood, ces histoires d'ascension fulgurante, de succès, de romance, de richesse, de beauté... et de lent déclin. Il était temps de faire entrer Val Thorens dans notre réalité et voir l'hôtel des Corre, le Corotel de nos yeux.

Quand la réalité rejoint le mythe

J'ai toujours été fascinée par l'histoire de mes beaux-parents et par l'élégance de ce couple sur les photos bien que jaunies des années soixante-dix/quatre-vingt : Coco et son chic indémodable, Michel et son charme à l'italienne. Pourtant...

Pourtant Michel, né juste après guerre en 1946 dans le centre de la France, est le plus jeune d'une fratrie de huit enfants. Mère au foyer, père inspecteur de police, la famille est issue du milieu paysan pauvre dont toute sa vie il cherchera à se démarquer. Vers douze ans, il quitte l'école, s'oriente vers la cuisine et devient plongeur chez Troisgros à Roanne avant de poursuivre son apprentissage chez Paul Bocuse. Il gravit les échelons à une allure fulgurante pour devenir finalement chef saucier. A 17 ans, lors d'un bal de village, il rencontre Colette.

Colette est fille unique, son père est aiguilleur des chemins de fer et sa mère pastilleuse à Vichy. Plus studieuse, elle obtient un baccalauréat en comptabilité/secrétariat. Et le couple commence à faire des saisons en station de ski, elle en réception, lui en cuisine. Mais très vite, le tempérament trop "entier" et pour tout dire un peu emporté de Michel lui cause des ennuis répétés avec sa hiérarchie : il devient évident que le couple doit se mettre à son compte. C'est ainsi qu'âgés tous deux de seulement vingt ans, ils reprennent en gérance le Buffet de la Gare de Bourges.

Deux ou trois années plus tard, à la fin des années soixante, ils entendent parler de la création prochaine d'une nouvelle station de ski, la plus haute de toute l'Europe : Val Thorens. Et là, c'est la décision pleine d'audace et de folie juvénile ; ils n'ont pas le sou mais décident de monter leur propre affaire. Ils empruntent de-ci de-là, à tous les membres de leur famille, jusqu'à obtenir un crédit auprès de la banque et font construire leur hôtel-restaurant, le quatrième bâtiment de la station tout juste naissante ! Ils ont acquis le terrain vierge auprès d'un montagnard de là-haut qui vivait encore sans électricité et signé le compromis sur la table de la cuisine attenante à l'étable, sous le regard des vaches. La montagne voit la rencontre de deux univers que tout oppose.

Le succès est au rendez-vous et s'en suivent des années à donner le tournis. Les soirées de java qui s'enchaînent, les tenues de couturiers, les voitures de luxe, les vacances en croisière... La vie sourit aux audacieux. L'hôtel n'a pas de nom, c'est simplement "l'hôtel", l'hôtel des Corre disent les clients en provenance de toute l'Europe, et ces derniers le baptisent finalement le Corotel.

C'est là que naîtra Yoann et là qu'il forgera son identité et son tempérament de montagnard ; de là que naîtra sa légende personnelle. A peine sorti de la maternité, le voilà remonté à plus de deux mille mètres d'altitude. Il connaîtra une enfance atypique, particulièrement rythmée par les saisons, dans un paysage d'où les arbres sont absents. La garderie, c'est sur les pistes et la "nounou" se nomme Marielle Goitschell. La championne du monde de slalom, cigare au bec et chapeau sur la tête, enseigne à ses protégés à jurer autant qu'à skier.

Aujourd'hui, je regarde Milan faire ses premiers tours en vélo, là où son père à fait ses premiers pas à ski. La boucle est bouclée.

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Puis au fil des années, le temps fait son œuvre, l'usure et la fatigue se font sentir. C'est la vente du Corotel, la descente vers des altitudes et des latitudes plus clémentes mais le couple aussi a fait son temps. Toute ascension trop fulgurante semble avoir son revers. L'aventure appartient désormais au passé.

Mais c'est plein d'impatience que nous remontons à notre tour à travers la station presque déserte en cette saison. Le soleil brille et illumine le glacier du Peclet. La cime Caron surplombe la vallée. Mais de Corotel point. Il a été rasé et remplacé par un nouveau bâtiment. C'est l'éternelle loi du changement mais c'est un choc malgré tout. Il faut laisser le passé s'en aller. Nous ne nous attardons qu'une nuit, demain nous quitterons la France : Italie, Autriche, Slovénie, Hongrie, Slovaquie, Pologne... La route est longue et pleine de promesses.

  • en route pour la scandinavie 003

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Commentaires

  1. Oceane

    décembre 9

    J aime beaucoup les récits de famille...ces choses qui malgré tout malgré certains points négatifs parfois font partie de nous...nous ont permis d être ce que nous sommes en quelque sorte. Ça doit être super pour les enfants de "marcher" dans vos pas!

    • titania

      décembre 9

      On n'avait jamais pensé à retourner là-haut, mais tout-à-coup, au cours du Tour ça nous a semblé une évidence. Je voulais aussi rendre hommage à cette histoire incroyable et au courage qui a été le leur, c'est inspirant !

  2. Angélique Biller

    décembre 9

    "Je ne crois pas non plus que l’esprit d’aventure risque de disparaître dans notre monde. Si je vois quelque chose de vital autour de moi, c’est précisément cet esprit d’aventure, qui semble qui me paraît indéracinable et s’apparente à la curiosité. Sans la curiosité de l’esprit, que serions-nous ? " Marie Curie

    Wow... L'alchimie de vos parcours de vie, des pas des parents aux vôtres est tellement lumineuse... L'esprit d'aventure, comme dit Marie Curie, est bien là chez vos parents, en chacun de vous deux, et dans vos merveilleux enfants! Elle a vraiment raison cette grande dame: pas de risque qu'il disparaisse dans notre monde! Merci!

    • titania

      décembre 9

      Oh quelle est belle et vraie cette citation ! Oui tu as raison, l'esprit d'aventure, c'est peut-être la plus belle chose dont Yoann aura hérité, et il aura peut-être fallu justement ce voyage pour en prendre conscience ! Après tout, c'est toi qui nous parlait de jouer aux aventuriers, merci <3

  3. MICHELLE

    décembre 15

    Trés beau récit du parcours des parents de Yoann, qui me fait penser à une oeuvre romanesque de Henri TROYAT , "les semailles et les moissons".....

    C'est le "chemin" qui vous guide..... et vous fait retrouver vos racines qui sont, en fait, joliment ancrée dans le bonheur..... même si la nostalgie est là, parfois.....

    Affectueusement.....

    • titania

      décembre 17

      Bonjour Michelle, oui "c'est le chemin qui nous guide", c'est peu-à-peu devenue évident ! Merci pour ce chaleureux petit mot <3

  4. Auriane

    février 18

    Les souvenirs d'enfances sont les plus précieux et cela fait toujours "mal" lorsque la modernité arrive et bouleverse tout. Merci pour ce retour en arrière et ce partage de l'histoire de Yoann.

    • titania

      février 20

      Oui je me souviens que tu avais vécu des choses similaires alors tu sais...

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