J'aimerais tant voir Syracuse, L'île de Pâques et Kairouan / Et les grands oiseaux qui s'amusent / A glisser l'aile sous le vent.

Voir les jardins de Babylone / Et le palais du Grand Lama / Rêver des amants de Vérone / Au sommet du Fouzi Yama.

Voir le pays du matin calme / Aller pêcher au cormoran / Et m'enivrer de vin de palme /En écoutant chanter le vent.

Avant que ma jeunesse s'use / Et que mes printemps soient partis / J'aimerais tant voir Syracuse / Pour m'en souvenir à Paris.

 3 janvier 2018 - Loin, très loin de l'influence d'Homère ou de Gérard de Nerval, Yoann a reçu cette nuit en rêve la visite du grand chef lakota Red Cloud (quoi qu'à la réflexion, un Red Cloud n'est peut-être pas très différent d'un héros homérique) : une nuit durant, celui-ci l'enseigna, afin de faire de lui un homme de cheval. Où que nous nous trouvons, les chevaux ne sont jamais loin. Au réveil, nous commençons à remonter la côte Ionienne.

Ce soir, nous arrivons à Syracuse, la cité blanche. Celle-ci fut fondée au VIIIe siècle av. J.-C. par des colons grecs venant de Corinthe ; Cicéron la présenta d'ailleurs comme la plus grande et la plus belle des villes grecques. Certaines sources y voient le berceau d'Apollon, Platon y séjourna, Archimède fut son habitant le plus célèbre. Vous comprendrez aisément que nous sommes trop impatients pour attendre le lendemain, nous partons donc à la découverte de la presqu'île d'Ortygia à la faveur de la nuit. Et quel émerveillement ! Quel choc de découvrir la cité presque déserte et toute illuminée : comment vous dire les ruines du temple d'Apollon émergeant de l'obscurité, les façades ivoirines se dressant vers le ciel noir, le dédale des ruelles qui entraîne le voyageur jusqu'au cœur de la ville ! J'ai vu Syracuse... pour m'en souvenir à Paris.

4 janvier 2018 - Ce matin, près du temple en ruine d'Apollon et de ses larges colonnes, se tient comme chaque jour le marché de Syracuse. Nous achetons de grosses olives salées, du pecorino et un mélange d'ail et de piment. Le marché est particulièrement animé et coloré, les étals débordent de fruits et de poissons ainsi que de calamars, de pieuvres et de coquillages, comme il en a toujours été au fil des siècles et des millénaires. Ici la mer est partout et jusque dans les assiettes. Un sicilien fait son one-man-show en préparant des sandwichs gargantuesques et extravagants.  Puis nous faisons le tour de l'île, longeant les quais et déambulant au hasard. Vers treize heures, les restaurants ouvrent leurs portes. Nous dénichons dans une petite ruelle une taverne prometteuse ; il n'y a pas encore de touristes en cette période de l'année mais la salle est comble en seulement quelques minutes. Au menu : de la bière artisanale locale, du carpaccio de poisson, des spaghettonni à la sauce tomate maison et aux aubergines grillées. La Sicile, le pays où les papilles se régalent.

L'après-midi nous découvrons la fontaine d'Aréthuse : selon la légende, Alphée, dieu fleuve, poursuivit sous l'apparence d'un chasseur la nymphe Aréthuse qui s'était baignée dans ses eaux. Effrayée, elle s'enfuit jusqu'en Sicile, et se réfugia sur l'île d'Ortygie où Artémis la changea en source. Mais Alphée, déterminé, répandit ses eaux sous la mer jusqu'à l'île du Soleil, et émergea à Ortygie afin de fusionner avec Aréthuse. Non loin de la fontaine, des arbres immenses tendent aujourd'hui leurs branches comme pour supporter le poids de la voûte céleste. Puis nous prenons un dernier thé sur la Plazza Duomo au pied du temple d'Athéna (intégré à la cathédrale depuis que le christianisme a vaincu les anciens dieux) ; j'embrasse une dernière fois du regard la beauté du lieu. Enfin, après cette nouvelle incursion au pays des Nymphes et des Dieux, cette échappée au cœur de l'Histoire et des Mythes,  nous repartons, emmenant farouchement avec nous le souvenir de Syracuse.