L’archipel géo-poétique d’Ulysse

L’archipel géo-poétique d’Ulysse


Sur les pas du héros Ulysse, nous franchissons le détroit de Messine qui sépare le sud de l'Italie de la Sicile, et passons ainsi - littéralement - de Charybde en Scylla !

 

28 décembre 2017 - Le matin est frisquet. Nous découvrons à la lueur du jour que nous sommes au milieu des montagnes, à près de 1600 mètres d'altitude ! Rafales de vent et averses de grêle rincent le paysage. Tout est blanc ; la neige n'est pas loin, le silence bienvenu. Journée d'immobilité bien accueillie après l'effervescence et la fureur de Naples.

 29 décembre 2017 - Nous continuons notre route vers le sud. Surprise, il faut passer par les montagnes et les cols, chaînes obligatoires dans le véhicule ! Mais notre château-ambulant en a vu d'autres et il en faut plus désormais pour nous effrayer ou nous arrêter. Les cieux sont tourmentés comme je les aime et, par endroits, des colonnes de lumière transpercent les nuées et baignent de leur grâce les pentes recouvertes de neige fraîche. Comme nous longeons à nouveau la côte, nous apercevons le Stromboli : il a les pieds dans l'eau et la tête dans les nuages, on n'aperçoit pas le flamboiement de ses coulées de lave. Nous nous arrêtons en bord de mer pour la nuit : des éclairs secs frappent la ligne d'horizon, le vent agite les flots, la Lune illumine la crête des vagues.

 30 décembre 2017 - Il fait doux, lumineux, notre nuit a été bercée par le ressac. Yoann se charge de sortir les chiens dans le petit matin, au milieu des préservatifs usagés et des seringues. Nous faisons un tour sur la plage au milieu des immondices ; un italien tri ce qui pourrait trouver un second usage. Nous nous serions bien attardés mais c'est décidément trop laid, trop différent de ce que j'avais escompté. Notre voyage se transforme en une fuite en avant ; nous espérons toujours trouver plus beau plus loin mais je commence à comprendre que cette quête est vaine. Sur la route, nous retrouvons la pluie mais aussi les champs d'oliviers : sur les flancs de toutes les collines, les hommes ont étendu de grands filets de toutes les couleurs au pied des arbres pour recueillir leurs fruits ; les montagnes semblent couvertes de patchwork ! Il y a aussi des citronniers innombrables, des mandariniers, des champs de bergamote et quelques oliviers solitaires, immenses et vénérables... Heureusement qu'il y a les Arbres. Pour le reste, notre siècle est définitivement celui de la laideur. J'ai pêché par excès d'imagination quand j'ai rêvé le sud, la réalité me malmène. La route m'emmène à travers un monde désenchanté sans limite. C'est là l'exigence du pèlerinage : quand il n'y a plus rien sur quoi s'appuyer au-dehors, on est peu à peu contraint de trouver un surcroît de force en soi-même (J.-C. Rufin, Immortelle Randonnée).

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Nous traversons de nombreux tunnels, certains sombres et mal accueillants comme la gorge d'un monstre intergalactique ; d'autres blancs et illuminés évoquant l'intérieur d'une base rebelle de l'Alliance. Notre camping-car prendrait-il des allures de Faucon Millenium ?! Un vieux tas de ferraille, invincible et inestimable, ayant sillonné l'espace avec Yo-Hann Solo au volant, on pourrait presque le croire ! Notre Diurach pousse d'ailleurs régulièrement des cris très semblables à celui d'un Wookiee, lorsqu'il veut nous faire savoir le fond de sa pensée !

Aujourd'hui, nous traversons le détroit de Messine, de Charybde en Scylla, sur les pas d'Ulysse ! Ulysse qui voguait entre les îles, en quête d'une échappatoire, en quête d'interstices, en quête de son foyer. Nous étions habitués aux ferries scandinaves, ici c'est une toute autre affaire - mais point de monstre pour dévorer l'équipage. Éventuellement, au milieu du chaos général (demandes de pourboire, vendeurs de quincaillerie, foire d'empoigne pour accéder au bateau), nous parvenons à embarquer pour cette traversée, courte mais ô combien symbolique. Car Messine, c'est non seulement l'Odyssée, mais c'est aussi les Croisades ; des courants d'histoire se mêlent aux courants marins pour nous transporter. A ceci près qu'ils sont presque imperceptibles car un tremblement de terre a fait disparaître la ville au début du XXe siècle, faisant plus de quatre-vingt mille morts. Bien sûr Messine a été aussitôt reconstruite, mais ses nouvelles avenues droites et perpendiculaires en ont fait une ville sans âme. Il faut donc au visiteur davantage de ressources intérieures et d'inspiration qu'à Pompéi pour surmonter l'écart entre le passé et le présent, entre le mythe et la réalité. Pour ne pas être déçu.

La Sicile se révèle aussitôt être une île très montagneuse dont les pentes exotiques plongent directement dans la Méditerranée. C'est ici que paissaient les troupeaux du Soleil sacrifiés par les marins d'Ulysse alors que ce dernier avait sombré dans l'oubli du sommeil ; Hélios les châtiera, seul Ulysse en réchappera. Bientôt nous sommes en vue de l'Etna - 3300 mètres d'altitude - ; ses pans enneigés disparaissent pour le moment dans les nuées et abritent, parait-il, les forges de Vulcain. Entre le volcan et la mer, nous découvrons Taormina : pour nous la perle du Grand Bleu, pour l'Histoire un lieu stratégique entre les cités légendaires de Syracuse et Messine. La Sicile tout entière d'ailleurs se situe à la croisée des mondes puisqu'à l'intersection des empires romains et carthaginois avec la Tunisie toute proche. La Sicile, une terre noire, gorgée de feu et baignée de tempêtes, peuplée de dieux, de nymphes et de héros, et où "toujours le soleil ruissellera et révélera la beauté mêlée à la tragédie".

Commentaires

  1. Océane

    juin 16

    Les paysages sont sublimes!! Le volcan a la fin 😍😍
    Non vraiment tes photos sont parfaites!!! Vite vite la suite!!!!

    • titania

      juin 16

      Merci Océane, en vrai c'était assez frustrant, moins de matière pour les photos mais il y a toujours une montagne immuable ou le vol fugace d'un oiseau pour remettre de la beauté dans le monde

      • Océane

        juin 19

        En islande dans certains endroits on était des centaines...et pourtant sur les photos on a l impression d être seul...mais bon à part les gens il n y avait pas des déchets partout et ça j avoue c est déjà énorme! !! Marre des gens sales sans respect...

        • titania

          juin 19

          Oui les pays nordiques sont plus respectueux de l'environnement... En revanche, on a toujours réussi à se tenir à l'écart des foules, soit qu'on évitait les lieux touristiques, soit qu'on voyageait hors saison, une vraie chance !

  2. Auriane

    juillet 2

    Malgré la nature débordante d'énergie et un volcan fier, vos photos sont paisibles. J'ai beaucoup aimé la référence à Star Wars 😉
    Un récit de transition avant la suite de l'aventure que j'ai hâte de lire. Merci.

    • titania

      juillet 3

      Ha ha, ça fait plaisir que quelqu'un note la référence 😀 !!

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