La Tisseuse

La Tisseuse


Où il n'est plus question de se cacher. Le voyage se fait guérison, initiation, reconnexion ; le voyage se fait pèlerinage. Et, sur ces lointains  rivages, nous nous alignons avec les rythmes de la Lune, du Soleil et de la Terre, pour vivre au diapason, voltiger entre les mondes et donner naissance à nos visions. Pour tisser le Rêve...

"Tenue par les fils d'araignée de la vie,/ Suspendue entre Ciel et Terre,/ A tisser la toile, à rêver le rêve,/ Je voltigerai à travers les deux mondes.

Inspirée par toi, Mère,/ Je crée la substance des rêves,/ Autorisant l'artiste en moi/ A façonner ma vie avec ma propre estime.

Je pétris la glaise des expériences/ Pour en faire un Bol de Médecine sacré/ Qui recueille l'essence du vivant/ Dont le chant s'élève au tréfonds de mon âme.

Mère, tes secrets de création/ M'ont appris quand détruire/ Les chaînes qui m'attachaient/ Et réprimaient l'expression de ma joie.

Tu m'as enseigné à accoucher/ Pour mettre au monde mes visions intérieures,/ En les libérant comme des flèches d'argent/ Qui vont attiser le feu de la Création." Jamie Sams, Les 13 mères originelles, La voie initiatique des femmes amérindiennes

5 octobre 2017 - C'est la pleine lune et la lune de ma naissance : celle de la dixième mère de clan, la Tisseuse. "La Tisseuse, Celle qui Tisse la Toile, représente le principe créatif à l'intérieur de toute chose. (...) La Tisseuse Protège la Force Créatrice qui réside en toute chose. (...) Cette Mère de Clan veille aussi sur la Force de Vie : elle nous apprend à créer notre santé, à extérioriser nos rêves, à développer et à nous servir de nos dons, et à avoir accès à notre potentiel spirituel. La Mère de Clan de la Dixième Lune est la Mère des principes de Création et de Destruction : elle nous montre le moment où il faut abolir ce qui nous limite et créer du neuf. Parce qu'elle est la Gardienne de l'Instinct de Survie, elle nous signale aussi quand prendre soin de nos créations. Lorsque notre survie physique, émotionnelle, mentale ou spirituelle est en danger, la Tisseuse nous indique comment faire appel à notre force vitale pour dépasser la stagnation et trouver à grandir au-delà. Elle est une artiste, une créatrice et la muse qui nous fait signe et nous inspire pour créer de la beauté - la beauté qui se trouve dans le désir de notre cœur. En réalisant quelque chose de concret et en donnant toute la beauté possible à notre création, nous comprenons que la substance de nos rêves peut se matérialiser, que nos visions peuvent prendre forme.

Tout au long des étapes nécessaires pour donner vie à nos rêves, la Tisseuse nous révèle comment utiliser la force vitale qui se trouve dans les quatre éléments : air, terre, eau, feu. Nous apprenons à incorporer ces éléments à notre propre force créatrice qui est le don reçu du Grand Mystère. Cette étincelle créatrice est appelée l'Eternelle Flamme de l'Amour, elle vit au cœur de notre Essence Spirituelle. Lorsque le désir de créer est en place, nous devenons capables de prendre la décision d'ÊTRE. Nous donnons alors forme à notre Essence Spirituelle ou Orenda, en exprimant ce que nous sommes. 

La Tisseuse, comme la Grand-Mère Araignée qui a tissé la toile de l'univers, nous apprend comment tisser la toile de nos expériences. Elle nous montre comment chacun des cercles que nous créons grandit jusqu'à toucher les cercles de toutes les autres formes de vie. Les toiles que nous tissons peuvent nous emprisonner si nous ne les créons pas dans la vérité. Cette Mère de Clan nous demande de travailler avec et pour la vérité, de façon à manifester le rêve d'un monde que toutes les formes de vie puissent partager. Une toile créée dans l'avidité finira par emprisonner et dévorer celui-là même qui l'a tissée parce que ses fils sont trop serrés pour qu'il soit possible de donner, recevoir et partager. Une toile trop lâche, tissée sans soin, manquera du savoir-faire indispensable pour qu'elle soit résistante et puisse durer. Tissée dans la peur, une toile attirera les leçons qui lui correspondent pour dépasser cette peur. Une toile tissée dans l'amour créatif et le désir de partager l'abondance recueillie par ses fils d'argent durera jusqu'à l'accomplissement du rêve.

Quand nous avons besoin de savoir comment faire pour que notre rêve devienne réalité, c'est vers cette Mère de Clan que nous nous tournons. Elle nous indique comment nous engager dans les actes nécessaires pour stimuler notre créativité et suivre son mouvement. Mettre au monde nos rêves s'accomplit toujours par le désir de créer, avec la décision de créer, et l'engagement dans les actes nécessaires, en utilisant le courant de la force de vie afin de donner naissance au rêve dans le monde tangible." Jamie Sams, Les 13 mères originelles (pp. 243 à 245) Force créatrice, instinct de survie, désir de partager l'abondance, réalisation des rêves... D'une certaine façon, je viens là de vous raconter l'histoire de ma vie.

La nuit dernière la douleur dans mon dos est devenue fulgurante. Je ne parviens même plus à me tourner dans mon lit et, lorsque Yoann m'y aide, c'est au prix d'éclairs de souffrance. Je suis broyée jusque dans ma moelle et tous ses talents d'ostéopathe ne me sont d'aucun secours. Au plus noir de la nuit, le souvenir de ma double fracture du rachis revient me hanter et, dans un accès d'irrationalité, je suis prise d'une peur panique de finir paralysée ou même morte... Au matin, lorsque je me coiffe devant le miroir, je ramasse des poignées de cheveux ; j'ai l'impression d'avoir mille ans. Dans la souffrance, on est irrémédiablement seul. Mon unique refuge est mon esprit et la tenue de ce journal : j'écris, j'écris... ; lorsque le corps lâche, l'essentiel demeure. Je suis lasse de voyager, nous avons tous besoin de trouver un lieu où prendre un peu de repos. Je veux m'asseoir sur une plage et attendre le retour des orques.

Après avoir fait le plein d'eau et de croquettes, avancé un peu vers notre destination et pris le ferry vers les îles, nous nous arrêtons pour la nuit sur une presqu'île creusée d'abris antiaériens et colonisée par les bunkers de la seconde guerre mondiale : difficile d'imaginer qu'au plus fort de la guerre, cent-cinquante hommes parvenaient à se presser dans aussi peu d'espace.

6 octobre 2017 - Aujourd'hui je reçois un mail de Cathy, une amie aux allures de belle sorcière avec ses longs cheveux qui lui descendent jusqu'au bas du dos - d'ailleurs, elle parle aux animaux et aux esprits de la nature et elle est aussi guérisseuse. En somme, une femme comme on en fait trop peu de nos jours. Dans son message, Cathy me dit qu'elle a pu me soigner à distance ; elle m'explique que j'ai eu besoin de venir tout en haut de la Terre pour explorer les profondeurs - toujours l'abîme et la cime -,  mais que je ne dois plus désormais me cacher. Ma petite voix comprend peu à peu que j'ai ma place dans ce monde, sur cette Terre, avec toute ma tribu et que c'est à nous de prendre cette place sans plus hésiter car notre place sur la Terre, pendant notre temps, nous revient de droit. Une parole d'autant plus forte que si nous sommes en voyage, c'est justement parce que nous nous sommes sentis chassés de chez nous... Le voyage se fait guérison.

7 octobre 2017 - Halte dans une petite baie qui bénéficie d'un merveilleux microclimat ; d'ailleurs il y a des vignes ! Pour la première fois, je sens un léger mieux du côté de mon dos, et je perçois l'énergie qui remonte.

8 octobre 2017 (et jours suivants) - Je fête mes 35 ans. Pour l'occasion, je reçois trois précieux cadeaux (un peu comme dans les contes !). Premièrement, par un étrange clin d'œil du destin, c'est aujourd'hui - et pas un autre jour sur les 365 qu'en compte une année - qu'a eu lieu la lecture de notre dossier d'immigration par les services canadiens (dossier reçu par ailleurs exactement le 14 mars, soit le jour de notre départ sur les routes de l'Europe !) ; j'ai l'étrange sensation que tout est parfaitement lié : notre progression sur les routes colle parfaitement avec l'avancée de notre dossier. Deuxièmement, je suis désormais engagée sur la voie de la guérison et troisièmement, je passe le temps de ma convalescence dans l'un des plus beaux lieux de la Terre - c'est la magie du château-ambulant de Hayao Miyasaki : ses fenêtres donnent sur tous les paysages possibles, il n'y a qu'à choisir ! Nous sommes à la pointe de l'archipel des Vesteralen, non loin de la bourgade d'Andenes. L'eau est turquoise, la plage de sable blanc et l'arrête de la montagne évoque l'échine d'un dragon assoupi. Ah le fracas des rouleaux ! Oh les retrouvailles avec l'Océan. A nouveau, de l'autre côté de l'eau, notre terre promise : le Canada... Les aigles planent en cercles concentriques et parfois, dans l'ultime rayon du couchant, l'un d'eux expose sa voilure au soleil mourant ; alors, l'espace d'un clignement d'œil, il semble fait d'or pur ; alors il est l'Oiseau de Feu. Par ailleurs, chaque matin un peu plus proches, nous découvrons dans le sable les adorables empreintes des loutres ainsi que leurs coulées caractéristiques ; c'est presque devenu un jeu entre elles et nous de suivre les allées et venues de chacun et de voir les traces de nos pas s'entremêler toujours plus intimement. A ma gauche, "L'île aux oiseaux", silencieuse en cette période de l'année, se dresse au milieu des flots comme l'aileron d'un requin géant cuirassé d'or. Et un peu plus loin, sur ma droite, s'étend une faille de deux mille mètres de profondeur. Le canyon est le repère des monstres marins abyssaux et des légendaires cachalots ! Mais les eaux froides abritent également des baleines et des orques dont j'espère le retour avant celui de l'hiver qui - je le sais - nous chassera vers le sud. C'est qu'il n'y a que deux saisons ici : celle du Soleil de Minuit et celle des Aurores Boréales. Entre les deux, un temps de pause, comme une respiration. Il n'y a pas de touristes, plus de moustiques, et pas encore d'orques - hélas ! - mais ça ne m'empêche pas de m'user les yeux sur la crête des vagues dans l'espoir de leur réapparition précoce. Cependant, le simple fait de savoir qu'ils ont l'habitude de croiser dans ces eaux me comble ; la pensée que la vie grouille sous la surface suffit à enrichir mes rêves.  "Et dès lors je me suis baignée dans le Poème de la Mer"... Je reprends doucement des forces, prends goût à ce temps de repos forcé : je fais moins mais je perçois davantage. Je deviens plus attentive au rythme de la Lune, au mouvement de la lumière du soleil sur le relief ou encore à l'humeur changeante de l'Océan. Un soir, alors que les dernières lueurs du couchant s'attardent encore à l'horizon, une Aurore Boréale commence sans plus attendre à vibrer dans le ciel, "d'une main fastueuse, soulevant, balançant le feston et l'ourlet" de ce majestueux manteau de nuit. Simultanément, une lune énorme et rouge se lève au-dessus de l'Océan. Les silhouettes familières de nos montagnes se découpent dans le crépuscule naissant. Peu à peu, l'Aurore se fait extravagante et, comme le ciel s'assombrit et se peuple de millions d'étoiles, des drapés de soie tombent des nuées, il pleut de la lumière sur nos visages tendus vers le zénith !

"Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amers de l'amour !" Arthur Rimbaud, Le Bateau Ivre

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Une nuit, Yoann rêve de son Orenda (ça lui est dit dans le rêve et c'est étrange, j'avais moi aussi rêvé du mien sur les rivages de l'Océan, au Portugal) : "La vallée des Tigres donne sur une large baie. Il fait nuit, pourtant l'eau est turquoise. Il n'y a pas de lune et le ciel est peuplé d'une multitude d'étoiles. Il flotte sur le dos, à mer étale. Il est une loutre !"

Quelques jours plus tard, il est pris d'un violent torticolis. Nous qui ne sommes jamais souffrants, nous formons une belle bande de bras cassés ! Mais la mue est en cours... Le voyage se fait initiation.

D'ailleurs - est-ce le lieu qui agit ainsi sur nous ?! - dès la nuit du 8 au 9 (or le 9 octobre est sa date d'anniversaire, elle est née le lendemain de mes vingt ans), Callista enclenche une succession de rêves, tous plus riches et plus fantastiques les uns que les autres, avec parfois une continuité entre eux... et, sous le coup de cette inspiration, elle commence l'écriture assidue d'un roman. Certes, ce voyage lui permet peu de relations personnelles le temps d'une année, mais j'imagine que ce n'est pas un hasard si, véritablement loin du regard des autres pour la première fois de sa vie (en effet, si on y pense, elle a plus ou moins été avec une trentaine d'enfants dans la même pièce, chaque jour depuis la crèche ; difficile dans ces conditions de savoir qui on est), elle commence peu à peu à trouver sa voie et à se rapprocher de sa Source. Le voyage se fait reconnexion.

Le dernier jour, nous poussons la porte du café d'Andenes. Nous sommes aussitôt accueillis par une vague de chaleur, le parfum du café torréfié, la vision d'énormes parts de gâteau moelleux au chocolat et le sourire également chaleureux du tenancier. Nous nous asseyons et attendons patiemment. Des habitués et des pilotes de chasse sont assis aux autres tables. Lorsque nous voyons la serveuse s'asseoir et se faire bécoter par son petit-ami nous comprenons enfin que nous nous y prenons mal. Comme le veut la coutume locale, c'est au client d'aller passer sa commande au comptoir puis de prendre ce qui lui est nécessaire - des verres, des pailles, de l'eau, que sais-je encore... - sur les étagères et en fait, ça fonctionne très bien comme ça. Après une agréable conversation avec le patron - portant sur les fabuleuses aurores boréales de la veille, le beau temps inhabituel en cette saison et la sécheresse inquiétante pour ces latitudes si vulnérables - nous regagnons notre château-ambulant pour nous lancer à la découverte du célèbre archipel des Lofoten.

Commentaires

  1. Comme à chaque fois, sans savoir où tu m'emmènes au début de l'article, je me suis laissée emporter avec délices dans ce voyage intérieur et extérieur.
    C'est en lisant le passage sur la Lune de la Dixième Mère de Clan, la Tisseuse, qu'en effet, j'ai vraiment compris/senti que ce qui me nourrit tellement profondément dans ce que tu partages: c'est ce Don de Tisseuse que tu as..!
    Tu entremêles ce qui représente VRAIMENT la Toile de la Vie! La Majesté de ce que le Monde a créé, et qui change d'aspect presque à chaque "virage" et "rivage" sur notre planète, la diversité des façons de faire des Hommes, nos Frères et Soeurs des Autres Règnes évoluant avec élégance dans leur milieu d'origine, pour la trame du Voyage Extérieur.
    La Chaîne changeante des Pensées, les fulgurances des émotions, les mues du Corps, les jaillissements des écrits de ceux/celles qui ont relaté leur épopée avant nous et qui reviennent des abysses de la mémoire à la surface tels des souffles de cétacés lorsqu'on expérimente un même élan, pour le Voyage Intérieur...
    Le Miroir Alchimique du Monde... La Toile individuelle qui vient rencontrer les millions d'autres Toiles... Tisseuse de Rêves et de Magie, tu ES!
    Merci...!

    • titania

      mai 2

      Angé, tu as un don pour écrire et trouver les mots !! Je suis toujours étonnée et touchée de me voir à travers ton regard... Tu me donnes la distance ou la vision d'ensemble qui me manque, moi qui ai le nez collé sur ce que je regarde/vis/fais ! Merci mille fois de m'offrir ce regard xxx

  2. Oceane

    avril 30

    Magnifique Titania, ce grand voyage est vraiment extraordinaire pour vous tous! Hâte de voir la suite (article et avenir)
    Mais Angélique et toi vous avez toujours des mots très justes!
    Je me régale avec vous!

    • titania

      mai 2

      Oui le voyage est un formidable accélérateur de vie, on ne s'en doutait pas en franchissant le pas de notre porte !!

  3. Auriane

    mai 5

    Une envie de lecture me surprend en lisant le passage sur la Tisseuse, moi qui n'ai pas touché un livre depuis des mois, l'envie de lire, d'avancer, de découvrir s'intensifie. Je relirais le passage encore et encore pour assimiler le sens des mots et accepter qui je suis.
    Nos maux physiques ne sont jamais anodins et (très) souvent liés à nos maux intérieurs. J'ai beau savoir cela, mes douleurs sont toujours là et je cherche tant bien que mal à accepter et guérir mes maux intérieur. J'ai souris en lisant les mots de Catherine, je sais qu'elle va m'aider à me libérer et j'en suis impatiente même si je sais que cela va prendre du temps vu mes blessures. Je voudrais vous remercier de nouveau pour votre gentillesse sans égale, votre bonté, votre bonne âme ♥
    Ce voyage était écrit pour vous, pour guérir, avancer mais surtout vous guérir et être vous. Merci pour ce partage pleins de bonnes ondes, bonnes sensations. Merci.

    • titania

      mai 27

      Merci Auriane <3 Je te souhaite du fond du cœur de trouver le chemin de la guérison à ton tour...

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