Tempête sur l’archipel des Lofoten

Tempête sur l’archipel des Lofoten


"Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir , L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !" (...) "J'ai vu des archipels sidéraux ! Et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ? -" Arthur Rimbaud, Le Bateau Ivre

12 octobre 2017 et jours suivants - Les Lofoten : Des séchoirs à morue. Des montagnes à pic. Des fjords étroits. Des cascades qui s'écoulent le long de la roche. Et le rouge des baies de sorbier qui se marie idéalement avec le turquoise de l'eau. On circule d'île en île au moyen de tunnels creusés sous la mer, de ponts qui semblent s'élancer vers le ciel comme des rampes et bien sûr de bateaux : prendre le ferry devient vite une routine dans cette région du monde.

Le beau temps dont nous jouissons depuis bientôt un mois commence à se dissiper. Soudain les montagnes se font noires et les fjords houleux et agités mais, lorsqu'un rayon de soleil parvient à percer les épais nuages pour allumer la crête des vagues, c'est... magique ! Et là-haut, toujours cet aigle qui tournoie sans effort au-dessus de nos têtes. Sa silhouette est ténue dans l'immensité et pourtant, pourtant elle est absolument nécessaire.

Nous poussons jusqu'au village de Reine et ses petites maisons de couleur suspendues au-dessus des flots ; nous sommes toujours les seuls étrangers. Désormais, la queue de l'ouragan Ophélia se fait distinctement sentir : les sommets se perdent dans la brume et la mer s'agite et monte à l'assaut des coques et des rochers. La lumière, tourmentée, est sublime !

La dernière nuit, le vent ballote notre château-ambulant et la pluie fouette le toit et les fenêtres. Le vacarme est assourdissant mais la tempête nous berce. Dans un état semi-conscient, je me demande si le vent violent pourrait nous renverser ou la mer déchaînée toute proche nous emporter... puis je me rendors.

 

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O pâle Ophélia ! belle comme la neige ! Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté ! - C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;/C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure, A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ; Que ton cœur écoutait le chant de la Nature Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;/C'est que la voix des mers folles, immense râle, Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ; C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle, Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !/Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle ! Tu te fondais à lui comme une neige au feu ; Tes grandes visions étranglaient ta parole - Et l'Infini terrible effara ton œil bleu ! Arthur Rimbaud, Ophélie, II

 

Commentaires

  1. Océane

    mai 2

    Je lisais cet après midi le terre sauvage avec son dossier sur les lofoten et ses maisons de pêcheurs! J avais pas de photos juste une description écrite alors me voilà ravie j ai l image! Apparemment une femme les a rénové et il est possible de les louer.
    Ça doit être génial!

    • titania

      mai 4

      Oh la belle coïncidence !! Oui je m'imaginerais bien vivre dans l'une de ces petites cabanes de couleur au-dessus de l'eau et au pied des sombres montagnes...

  2. Bigre... Entre les mots qui sonnent comme des vents violents de la tempête intérieure de Rimbaud, et les photos aux couleurs sombres et tranchées de la tempête extérieure, la chaleur du Château-Ambulant devait être bien douce...!
    Wow! C'est là qu'on comprend d'où les vikings tenaient leur endurance et leur aspect rugueux, on ne plaisante pas avec Thor ou Odin quand ils se déchaînent, ha ha ha!
    Et ce que tu décris de la nuit où tu te réveilles et où tu t'interroges (le vent peut-il nous coucher ? La mer peut-elle nous embarquer ?), ça m'a fait m'imaginer ce que devaient ressentir les marins sur les bateaux (que prenaient d'ailleurs Rimbaud et les voyageurs de ce temps) lorsqu'ils essuyaient une tempête, et la FOI qu'il devait falloir avoir pour faire ne serait-ce qu'un deuxième voyage lorsqu'on avait survécu à un premier!
    Incroyable le lien que tu fais avec Ophélia l'ouragan, et l'Ophélia de Rimbaud...! Encore un WOW!

    • titania

      mai 4

      Oui Angé, il y avait de tout ça dans cette tempête, et notre petit château-ambulant aux multiples apparences prenaient tantôt celui d'un cocon, tantôt celui d'une coquille de noix soumise aux éléments ! Mais j'ai vécu comme une vraie chance de voir ce visage quasi-fantasmagorique des Lofoten...

  3. Auriane

    mai 5

    Les passages d'Arthur Rimbaud sont puissant lorsqu'on s'imagine livre, seuls dans des paysages sauvages ♥
    L'aigle vous suit, vous guide, vous protège. Vous étiez protégé je n'ai pas de doute à ce propos. Le vent qui ballote et la pluie fouette, que de souvenirs de vacances en caravane. Que d'envie d'y retourner et d'apprécier bien plus que lorsque j'étais enfant.
    Merci pour ce partage.

    • titania

      mai 27

      Oui les poèmes acquièrent une puissance renouvelée au contact du monde, de même que les génies des lieux gagnent en profondeur lorsqu'ils rencontrent le génie d'un poète... Oui, c'est vrai, l'Aigle - proche ou lointain - nous a accompagnés à chaque instant de ce voyage du Grand Nord et ça, ça n'est pas anodin

  4. Thilda Lehacque

    mai 21

    "Les grands monts de Norvège ..." et ce poème, à jamais associés à ton récit et tes sublimes photos !

    • titania

      mai 27

      Merci !!! Oui Rimbaud et le Grand Nord seront désormais à jamais liés dans ma mémoire...

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