Dans les vignobles hongrois

Dans les vignobles hongrois


"I see my path, but I don't know where it leads. Not knowing where I'm going is what inspires me to travel it." Rosalia de Castro

16 août 2017

Nous entrons en Hongrie sans trop savoir à quoi nous attendre. Je me rends compte que j'ai peu de représentations de ce pays ; je suis d'autant plus libre de le découvrir. Sur les panneaux, des noms de villes et de villages d'une longueur décourageante pour les français que nous sommes ; ni barrières, ni alarmes sur les passages à niveau (gloups !) ; et, sur les bords de route de nombreux étals de pastèques. Mais, de part et d'autre de l'axe que nous suivons,  nous croisons essentiellement des champs de maïs et de tournesol ainsi que des habitations sans caractère hormis quelques unes au toit de chaume... il y a quelque chose de désespérant dans l'uniformisation du monde, et ce d'autant plus que l'on se sent une âme d'explorateur.

Nous longeons le lac Balaton avec une sensation de déjà vu (ou plutôt de déjà vécu) : ici comme en Italie la foule se presse et, bien qu'avec cette chaleur harassante nous nous serions volontiers plongés dans l'eau fraîche, nous prenons résignés la route vers les hauteurs. La petite route que nous avons choisie sillonne parmi les vignobles et nous trouvons finalement à nous arrêter à l'ombre d'un majestueux saule pleureur près d'une petite église blanche et ocre. Quand la chaleur décroît, nous partons à pied au milieu des vignes avec l'idée de déguster un verre de vin. Ce fut d'autant plus délicieux que c'était complètement inattendu. Imaginez : savourer un pinot noir en Hongrie au milieu des champs ! Des champs en agriculture biologique qui plus est. Nous avons vécu-là un pur moment de félicité duquel participait la douceur de l'air comme celle de la lumière. Encouragés par les prix incroyables, nous décidons de rester goûter également à la cuisine. La grande terrasse du restaurant donne sur les vignobles et la vue y est admirable. Tout est très élégant. On me sert une soupe froide de cassis ornée de pétales de rose et des tagliatelles à la perche ; Yoann commande une soupe de courge aux lardons et du fromage de chèvre grillé. L'aventure a du bon.

  • en route pour la scandinavie 084

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  • en route pour la scandinavie 086

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  • en route pour la scandinavie 088

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  • en route pour la scandinavie 087

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Le même soir, alors que nous sommes déjà couchés, nous entendons autour du château-ambulant des reniflements et des ronflements évoquant la présence d'un gros ours. Nous risquons un œil, il s'agit d'un gros molosse bringé. Nous refermons le store. A chacun de mes réveils, j'entendrai son souffle rauque tout contre la carrosserie ; il doit être attiré par l'odeur de nos deux chiennes. Au matin, il est toujours là. Le prétendant est tenace mais se révèle charmant quoiqu'un peu trop entreprenant à mon goût et nous restons un petit moment en sa compagnie. Au moment de repartir, je croise son regard implorant et celui, largement désapprobateur, des badauds. Je me rends compte qu'ils sont sûrement persuadés de nous voir abandonner notre chien au cours de nos vacances.

17 août 2017

Nous faisons quelques courses au supermarché, celui-ci regorge de pastèques et autres fruits. Je choisis un pain au hasard, bien incapable de déchiffrer les étiquettes (les courses sont en train de devenir relativement excitantes et la pesée des légumes, un vrai défi !). La mie brune et parfumée du pain révèlera un goût d'anis surprenant mais pas désagréable. Puis nous suivons une route longue et monotone, toujours sous une chaleur étouffante, en direction du réputé parc national de Bükk et du village de Svilazvarad (berceau des chevaux lipizzans), dans le nord-est du pays. Ce faisant, nous sommes amenés à traverser Budapest et le Danube. Ah, traverser le Danube ! Je ne sais pourquoi, cela m'émerveille ! C'est que je suis déterminée à ré-enchanter le monde coûte que coûte et à cueillir le sublime qui se niche jusque dans les interstices du quotidien ou du banal : c'est parfois simplement la jolie couleur bleue d''un scarabée quand il n'y a absolument rien d'autre. "Devenons les témoins de la merveille du monde et non les témoins perfides et consentants de son naufrage" écrivait Christiane Singer. Comme je la rejoins !

 

Le parc de Bükk est réputé pour ses arbres, ses grottes, ses oiseaux ; d'ailleurs, dès le premier soir, nous sommes accueillis par le "bouboulement" d'un hibou (c'est bien connu, le hibou bouboule, mais peut-on pour autant parler de "bouboulement", ça je l'ignore).

Quand la nuit tombe, nous sommes installés dans un coin de pique-nique à peu près paisible. Nous dînons tranquillement dehors à la bougie lorsqu'un couple de français arrive dans leur camping-car. C'est drôle comme on éprouve des sentiments mitigés lorsqu'on rencontre des compatriotes à l'étranger. Ils se garent à côté et libèrent leur chien... qui aussitôt se rue dans notre direction en aboyant férocement. Sur le moment, nos trois chiens-loups sont aussi saisis que nous mais ils ne tardent pas à reprendre leurs esprits et sont déjà prêts à s'élancer vers l'assaillant. Alors cette impression que le temps s'arrête comme pour me laisser l'opportunité de soupeser les différentes actions possibles. Je tiens la longe d'Atala : si je résiste, la corde va se tendre sous la table et faire voler le repas et la vaisselle ; si je lâche... Eh bien si je lâche, qui sait ce qui pourrait advenir. Je décide de tenir bon. Le temps se remet en marche dans une fulgurante accélération. La longe se tend. La table s'envole et je tombe. Yoann a fait le même choix que moi avec la longe de Diurach et celle-ci fauche Milan qui retombe en pleurs sur le sol. En quelques secondes seulement, c'est le chaos. L'homme récupère son chien avec ses plus plates excuses et nous, nous ramassons littéralement les pots cassés. Mais en filant, la longe m'a brulé la main. La douleur est cuisante et des cloques ne tardent pas apparaître. A la fin de la soirée, la sensation de brûlure n'a toujours pas décru. C'est alors que Mallory propose de me "soigner" de ses petites mains. Je suis fatiguée et je n'ai pas envie de jouer mais en voyant la déception se peindre sur son visage, je me ravise et accepte sa proposition. Il va chercher une petite bougie qu'il allume ainsi que le bracelet en sabots de chèvres qu'il a reçu en présent d'un chaman toltèque et entreprend de me soigner. Je suis bouleversée par le sérieux et l'amour qui imprègnent sa démarche et je souhaite ardemment que son innocence soit récompensée. Peu à peu, la douleur change : au lieu qu'elle soit partout, je sens désormais les points précis où la longe m'a brûlée. Enfin, aussi surprenant que cela puisse paraître, elle commence à s'estomper puis disparaît, complètement et définitivement.

 18 août 2017

Après tous les kilomètres avalés ces derniers jours, nous prenons une journée d'immobilité. La conversation avec Callista s'oriente naturellement vers ses futurs projets ; d'ailleurs je ne crois pas que ce soit une coïncidence si c'est au cours de ce voyage, loin de la pression de ses pairs, qu'elle commence à découvrir ses propres rêves. Puis nous étalons la carte de l'Europe sur la table pour vérifier notre progression et décider de la prochaine direction à prendre. C'est fou comme dès lors que l'on est impliqué, on mémorise soudain aisément la géographie. J'observe la carte avec passion, j'aime deviner le paysage qui se cache derrière les tracés et déchiffrer des noms dont la lecture seule suffit déjà à vous faire voyager. Traverser le Danube, puis explorer les Carpates et ensuite longer la mer Baltique. Des noms qui vont enfin prendre une autre réalité. Et derrière la géographie, discerner l'histoire : l'Histoire avec un grand H (par exemple celles des vestiges de la seconde guerre mondiale à travers les fluctuations des frontières), mais aussi la "petite" histoire dont parlent les lieux (des lochs renfermant des dragons, des montagnes où les sorcières avaient la réputation de se rassembler, des forêts ivres, des sources miraculeuses), et bien sûr l'histoire de la Terre à travers les contours et les reliefs... Les garçons trouvent à s'occuper sans mal sur ce nouveau "terrain de jeu", alors j'en profite ensuite pour écrire. Partager son journal est une posture particulière, très différente de celle du romancier, du scientifique ou encore du journaliste. Il y a une vulnérabilité certaine à dévoiler son humanité dont le propre est d'être imparfaite et fluctuante. Mais c'est aussi la liberté d'être soi, la liberté d'être différent chaque jour, d'être parfaitement subjectif, de révéler ses contradictions et même de se contredire : il y a une grande force et une grande vitalité dans cette écriture-là. Pendant que je réfléchis, une fête se prépare. L'estrade est déjà montée et des essais sonos ont lieu toute l'après-midi : voilà, nous aurons découvert le rap national et les tubes de l'été hongrois. A cette occasion, nous aurons également entrevu l'art du pique-nique à la mode hongroise : pas de barbecue sans marmite ! Accrochée au-dessus du feu par un crochet, son précieux contenu mijote en répandant rapidement un délicieux fumé. Si de votre côté, vous n'avez prévu que des sandwichs, vous avez très vite l'impression d'être un véritable barbare sans culture ni savoir-vivre. La cuisine sur le feu, c'est tout un art.

19 août 2017

Aujourd'hui, nous projetons d'aller découvrir les forêts du parc national ! Mais quelle déception : les chemins sont goudronnés, il y a foule et des distributeurs de bonbons se dressent à l'entrée du parc. C'est toutefois pour nous "sauvages", l'occasion de mesurer les progrès faits par les chiens depuis le début du voyage : en dépit de leur nature réservée, ils déambulent sereinement au milieu des promeneurs, dédaigneux de toute la curiosité qu'ils suscitent. Nous sommes toutefois la cible répétée des photographes, ce qui nous met toujours aussi mal à l'aise. Nous devrions peut-être commencer à considérer sérieusement cette façon d'arrondir les fins de mois ! Nous nous acharnerons tout de même près de deux heures sur la piste avant de déclarer forfait : cette fois-ci nous n'aurons pas su trouver d'interstices (pas de "chemins noirs" (S. Tesson), pas de chemins de traverses, pas d'échappatoires) ; soit qu'il n'y en ait pas dans cette région de la Hongrie, soit que nous ayons touché ici aux limites de l'improvisation complète en voyage. Il ne nous reste donc qu'une seule chose à faire : prendre la tangente, direction la Slovaquie, les Carpates et les grandes Tatras dans notre quête éperdue pour découvrir "where the wild things are".

Commentaires

  1. Oceane

    décembre 14

    Quelle est belle cette petite église! Votre repas donne envie!!! Désolé l histoire ne devait pas être drôle mais tu as tellement bien résumé que j ai bien rigolé mais pauvre Milan!
    Sacré Mallory c est beau son geste et surtout sa récompense!
    Plein de rêves pour Callista!
    Vivement la suite!
    Et tchin!!!!🍷🍷

    • titania

      décembre 17

      Oui on essaie de goûter la cuisine de chacun des pays qu'on visite, avec plus ou moins de bonheur 😉 En Hongrie, on s'est régalé !! Ha ha, à chaque mésaventure, je me dis que c'est pas plus mal pour le blog, même si là la révélation c'est le talent de Mallory, une des grandes révélations de ce Voyage <3

  2. MICHELLE

    décembre 15

    J'imagine la scéne.... la table qui se soulève, tout vole..... et toi, et Milan...... et les "loulous" bondissant..... heureusement tout se termine bien et Mallory fait montre d'aptitudes pour soulager!!!!!

    et Yoann, le vin hongrois est il bon ?

    quel plaisir de lire les" nouvelles" J'attends toujours avec impatience la suite du voyage, et il me semble que tu es en "veine" d'écriture, Titania, quel bonheur.....

    A bientôt affectueusement

    • titania

      décembre 17

      Oh merci Michelle, ça me fait chaud au cœur de vous lire !!
      Oui une scène de chaos, mais qui a permis à Mallory de révéler son don, alors... Encore quelque chose qui faisait partie du chemin !
      A bientôt, nous pensons fort à vous xxx

  3. Angélique Biller

    janvier 7

    Oh, wow, je découvre seulement aujourd'hui cet article de ton blog: parfois je ne comprends pas Facebook - qui "beugue" - mais là, c'est "reparamétré" (non mais!)!
    La Hongrie... Un coin du monde où - comme tu le dis - je n'ai moi non plus pas de représentation a priori. Du coup, c'est un bonheur de la découvrir à travers vos yeux et expériences, et ça donne réellement envie d'y séjourner! La soupe de cassis aux pétales de roses, honnêtement, l'intitulé est alléchant! Avec un verre de vin, of course!
    Et Mallory qui découvre et fait découvrir ses dons de guérisseur... Pour moi, sa présence est déjà source d'harmonie et d'accueil/Amour, et ses mains en sont un prolongement parfait! Chacun de vos enfants est doué d'Amour sous une forme individuelle et singulière, et à chaque fois que je vous vois, j'ai la sensation puissante de recharger mes batteries à bloc! Trop bon!
    J'adore les citations dont tu émailles ton récit aussi Titania. Soit je connais l'auteur et suis touchée par la pertinence de la phrase choisie dans le contexte, soit je ne connais pas l'auteur et file me renseigner 😀 Merci encore pour tous ces partages, et comme tu le dis, oui, la vulnérabilité et le "fluctuant" sont le quotidien (des rêveurs et des hypersensibles) mais quelle richesse tu nous offres ainsi!
    Et les Lipizzans alors ? La photo est très belle, avez-vous pu visiter un élevage ? Plein de bises!

    • titania

      février 12

      Merci Angélique pour tes mots qui font toujours du bien à l'âme... Oui je crois que plus tard, avec le recul, la Hongrie m'évoquera surtout le plaisir des papilles et de tous les sens et la découverte du don de Mallory ! Oui les lipizzans, superbe troupeau ! On n'a pas osé visiter à l'improviste mais les apercevoir a déjà été merveilleux...

  4. Auriane

    février 18

    Ce doit être fabuleux de profiter des vergers avec simplicité, de découvrir des plats, des coutumes, des paysages bien différents de chez nous. De sublimes photos surtout celle de l'église et des vergers ♥ mais aussi celle du scarabée qui me rappelle des souvenirs, ceux où j’apprécie de regarder ces petits insectes avancer et vivre.
    J'ai beaucoup aimé le passage de guérison avec Mallory, de l'envie, de l'amour et un don ♥. Qu'il le garde précieusement et qu'il ne doute jamais de ses capacités, tous d'ailleurs, Milan, Callista et bien sur vous et Yoann. Merci.

    • titania

      février 20

      Un profond merci Auriane pour tes mots. Oui quelle douceur dans ces vignobles : la lumière, les courbes du paysage, la saveur des mets... Et la beauté qui se retrouve dans l'infiniment grand comme dans l'infiniment petit ; il faut s'exercer à les contempler pareillement. Et Mallory qui se révèle, juste là, dans "l'adversité"...

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