Dans les forêts calédoniennes - Blog Titania Corre
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Dans les forêts calédoniennes

Dans les forêts calédoniennes


Fin mai 2017 - Séjour à Loch Affric

C'est bon de retrouver les forêts et la solitude.

 

Sur les rives du loch, les chiens ivres de liberté, courent et se poursuivent à travers la boue, le sable, l'eau et les myrtilliers en boutons en déployant des trésors de hardiesse et d'agilité. Ils savent que le plaisir de jouer pour jouer n'a pas d'âge et sont tout à la joie que procurent la vitesse et la jouissance d'un corps musclé en parfaite santé. Le loch fait comme un miroir dans lequel Atala ne tarde pas à s'immerger silencieusement à la suite de Diurach. Ce n'est que depuis cette année qu'elle sait nager avec grâce (depuis que Yoann lui a montré qu'elle n'était pas obligée de ce déplacer à grands coups d'antérieurs et d'éclaboussures, ce qui la décourageait - comme quoi il n'est jamais trop tard pour apprendre quelque chose de nouveau). De manière générale, elle s'est épanouie au fil du voyage : elle est plus mince, plus joyeuse, on pourrait presque dire souriante. "Quand ta vie s'endort, risque-là" dit l'adage ; Atala est aujourd'hui plus vivante que jamais. Alanis, la petite cadette, guette ses aînés depuis le rivage ; elle n'aime toujours pas nager. En revanche, elle est la seule des trois à pratiquer l'apnée (là où elle a pieds - ou pattes). Notre mission sur cette terre devrait toujours être de découvrir nos talents propres au lieu de chercher à imiter les autres, parole de chien-loup. Autre talent qui est propre à Alanis : le mulotage. A la différence d'Atala et Diurach, elle a une morphologie toute en finesse et en légèreté ainsi que des allures bondissantes mais elle a su en tirer adroitement partie. C'est peu dire que les deux             grands sont jaloux.

 

Loch Affric est considéré comme l'un des plus beaux lochs d'Ecosse. Il abrite martres, aigles dorés et cerfs rouges. Sa flore est également remarquable, on y croise notamment des plantes carnivores. Mais ce qui le caractérise, c'est sa forêt calédonienne presque intacte. Ici on laisse les arbres naître, croître, vieillir puis tomber sur la terre qui les a nourris et qu'ils vont nourrir à leur tour. La silhouette des majestueux pins calédoniens se découpe en ombre chinoise sur le ciel crépusculaire. Voilà à quoi ressemblait l'Ecosse d'avant les moutons. Voilà à quoi ressemblait l'Ecosse avant qu'on ne rase toutes les forêts pour y élever du bétail à l'époque de la douloureuse Highland Clearance. Voilà à quoi ressemblait l'Ecosse quand elle était encore peuplée d'Arbres et de loups.

 

"L'arbre est mort mais il respire encore" Mallory

Tandis que nous marchons à travers les pins calédoniens, la vue se dégage sur les montagnes environnantes. Il fait chaud ! Nous faisons halte pour un pique-nique sur les rives d'un ruisseau aux eaux brunes et translucides. De la bonne eau à whisky ! Assis au milieu des myrtilliers en fleurs, les chiens lovés autour de nous, je regarde les garçons jouer. Je vois Mallory aider son petit frère à se rhabiller et je songe que c'est important de savoir prendre soin d'un plus petit que soi. Je vois Milan se dépasser pour faire tout comme son grand frère et je songe que c'est également important d'avoir un plus grand que soi. Je songe enfin que l'école qui aime à regrouper les enfants du même âge (mais elle n'est pas la seule, ne fait-on pas couramment la même chose en élevage avec les poulains parce que c'est plus commode ?) aurait beaucoup à apprendre de ces instants. Je constate aussi que mes deux garçons ne s'ennuient jamais lorsqu'ils sont dans la nature et que jeu et apprentissage y sont intimement mêlés. Ici nul jouet en plastique ne vient distraire l'enfant (de l'essentiel) ni ne vient s'interposer entre eux et le grand mystère. L'imagination bat son plein. Ils jouent dans la petite cascade, font des courses de bâton, s'entraînent au ricochet avec les galets, développent leurs aptitudes à la grimpe : ils utilisent déjà le pied-main, stimulant aussi bien le physique que la coordination de leurs hémisphères cérébraux, et développent la sensation de la roche sous leurs pieds-nus  - je vois le petit pied reconnaître le rocher mieux qu'à travers n'importe quelle semelle et s'appuyer ensuite sur la plus menue des prises avec toute la perfection qu'il y a dans un pied d'enfant ; il n'y a pas de mystère, marcher pied-nu est aussi bon pour l'homme que pour le cheval. Quant à la motricité, qu'on soit un enfant, un chiot ou un poulain, c'est dans la nature qu'on la développe le mieux, car nul terrain de jeu ne sera jamais aussi riche. Dans le même temps, nous avons appris à réfréner nos peurs, à ne pas altérer la confiance de l'enfant dans ses capacités par des mises en garde stériles mais plutôt à l'accompagner et à l'aider à faire seul. Passés les premiers apprentissages, on s'aperçoit très vite qu'un enfant dégourdi est bien plus en sécurité qu'un enfant dont on a sapé la confiance ou les progrès.

 

Alors, Mallory avise un très grand arbre déraciné et qui repose désormais contre la terre. Il escalade les branches et s'allonge sur le tronc, les yeux fermés. Il chuchote : "Il est mort mais il respire encore."

 

 

Sur le chemin du retour, Atala avise un couple de promeneurs... et leur chien ! Panique ! Elle s'élance vers eux avant que j'aie le temps de la retenir. Je ne peux que me précipiter à sa suite en hurlant. Elle s'arrête à deux mètres du couple où je la rejoins enfin, toute essoufflée. Et soudain, devant le calme teinté de surprise des promeneurs, je me sens un peu idiote de mon arrivée tonitruante. Mais c'est que nos déboires au Portugal sont encore trop récents ; j'ai notamment toujours en mémoire les hurlements du joggeur et ses menaces d'appeler la police lorsque Alanis l'avait suivi derrière un buisson. La différence aujourd'hui ? Nous sommes en Ecosse ! Et l'homme me demande simplement et posément si Atala a déjà mangé. Je bafouille, surprise par la question, oui bien sûr, oui elle a mangé. "Alors tout va bien" conclut-il avec un grand sourire et je comprends alors seulement que c'était de l'humour. Une nouvelle preuve du flegme britannique : au milieu de nulle-part, un chien-loup déboule de la forêt droit sur eux, et ce qui leur vient en premier à l'esprit, c'est une blague. L'homme s'approche pour caresser Atala, elle recule. J'explique alors qu'elle est "timide" avec les personnes qu'elle ne connaît pas. "Oh je comprends, je suis pareil !" me répond-il dans un éclat de rire qui dit tout le contraire. J'ai déjà dit que j'adorais les écossais ?

 

 

Comme nous arrivons au campement, il se met à pleuvoir doucement et ce rafraichissement est bienvenu. Les oiseaux lancent leurs trilles joyeuses. Et soudain la nature embaume ! J'ai appris que cela avait un nom, le délicieux parfum de la terre après la pluie. Pétrichor. Du grec ancien petra, la pierre, et ichor, l'essence des dieux. Nous respirons une effluve divine, rien de moins.

Commentaires

  1. Oceane

    novembre 2

    J ai toujours peur de me répéter mais j adore!!! Les enfants dans la nature, les chiens loups....le loch et les arbres les photos sont magnifiques!!! Votre vision de l enfance...toujours un plaisir de te lire!!!et merci de nous faire voyager et de nous faire découvrir autant de choses!j adore l odeur de la nature après une bonne pluie 😉
    Bisous à la tribu

    • titania

      novembre 8

      Oh toi aussi tu aimes le parfum des dieux ?!
      Merci encore une fois pour ton enthousiasme, ton soutien, nos partages...

  2. LauAnn

    novembre 2

    Pas mieux qu'Océane 😉
    "Quant à la motricité, qu'on soit un enfant, un chiot ou un poulain, c'est dans la nature qu'on la développe le mieux, car nul terrain de jeu ne sera jamais aussi riche."
    Amen ! 💗

    • titania

      novembre 8

      N'est-ce pas, on est d'accord ! Ils ont bien de la chance Cherokee, Mowgli et Yamka, je leur souhaite de belles explorations !

  3. Chrys Kansas

    novembre 2

    Je pense qu'on peut tous et toutes se répéter, mais ce n'est pas grave !! Encore de très belles photos, on y découvre une très belle "nature", de très beaux enfants, de très beaux "loups", on y découvre aussi "l'histoire" de l'enfant qui "parle aux arbres" !! Très émouvant !
    Oui je suis d'accord aussi, qu'on soit enfant, chiot ou poulain, tous se développent plus, au "naturel" sans contrainte et surtout à son rythme !
    C'est bien comme ça que les premiers hommes ont su marcher, manger, s'habiller, survivre, se respecter et s'aimer .... .... non, !!! Ils ont bien su se débrouiller seuls,
    personne n'était là pour les guider ! C'est peut-être bien grâce à eux que, depuis nous sommes des "milliards ou millions ou milliers ou ........ sur terre !!
    Corre Titania et Yoann, vos enfants accumulent de grandes "richesses" !

    • titania

      novembre 9

      Merci <3 Mais je crois qu'on est guidé, qu'on a toujours été guidé... Ce que nous montre la nature est la plus grande des inspirations.

    • titania

      novembre 16

      Et la nature est si belle ! Heureusement ce qu'il y a de plus inestimable sur Terre est encore gratuit...

  4. Thilda Lehacque

    novembre 3

    "Offrez le monde à vos enfants !" disait Antoine de La Garanderie. On voit !
    Et quel festin de photos ! A nouveau je me suis glissée dans cette eau "brune et translucide", à nouveau j'ai pu rêver sous les grands pins calédoniens (il y en a aussi du côté d'Aviemore), à nouveau ces lumières que l'on ne voit que là-bas ... Bonnie, bonnie Scotland !

    • titania

      novembre 16

      Oh oui l'Ecosse est éternelle !

  5. Auriane

    novembre 6

    Un partage tout en images est tout aussi parlant qu'un partage avec des mots. Vos photos sont magnifiques et retranscrivent les émotions et la beauté des êtres vivants (humains, chiens, arbres, montagnes...) Rien qu'en regardant Atala en photos, je peux dire qu'elle est douce, gentille, protectrice, aimante. Elle a un "visage" doux et cela, même lorsqu'elle joue. 🙂
    C'est également réconfortant et magique de voir Milan et Mallory ensemble, dans l'eau, au milieu de cette merveilleuse nature, s'amuser simplement et découvrir les choses avec enthousiasme.
    Merci de nouveau pour ce partage différent mais tout aussi beau et enrichissant. ♥

    • titania

      novembre 16

      Merci Auriane, quand on passe du unschooling, au freeschooling et enfin au wildschooling on ne peut plus faire marche arrière... Et l'expérience se révèle au moins aussi enrichissante pour les parents 🙂

  6. pelliccia violaine

    novembre 8

    halalalala.. que de photos et de paroles qui font vibrer mon coeur..ce que tu vis es unique et magique...
    Tes enfants seront toujours bien partout grâce à cela.. l'âme de l'Homme ne demande qu'a être nourrie et élevée...c'est exactement ce que tu fais..
    Je vous embrasse.
    Violaine

    • titania

      novembre 16

      Oh merci Violaine, ça me fait plaisir de te "trouver" là <3 Merci pour tes mots !

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