Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers/ picoté par les blés, fouler l'herbe menue/ Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds / Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien / Et l'amour infini me montera dans l'âme / Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien / Par la Nature, heureux comme avec une femme. Arthur Rimbaud, Sensations

Mes "outils" d'écrivain-voyageur

Entre les rivages des océans et le sommet de la plus haute montagne est tracée une route secrète que vous devez absolument parcourir avant de ne faire qu'un avec les fils de la terre. Khalil Gibran

La carte de notre voyage, réalisée par Callista

Onze mois de voyage, un tour d'Europe, dix-neuf pays traversés, plus de 50 000 kilomètres parcourus - soit l'équivalent de la circonférence de la Terre - ; des milliers de photos (mais pas un seul selfie) ; le reste (soit l'essentiel) n'est pas quantifiable.

Onze mois, c'est le temps qu'il faut à la Jument pour mener à terme la gestation de son poulain. Et nous, qu'avons-nous porté, nourri et mené à terme au cours de cette odyssée ?

Premier matin sur la route

Sud-ouest - Nous nous sommes allégés. Matériellement et spirituellement. Et nous sommes partis. Sans expérience et sans plan. A huit à bord du château-ambulant. L'océan a rugi à nos oreilles. Nous nous sommes tenus là où la terre finit. Nous avons marché pieds-nus sur les sentiers de sable chaud. Nous avons ramassé du bois flotté et, la nuit venue, nous avons chanté et ri autour du feu, les yeux tantôt perdus dans le rougeoiement des braises, tantôt entraînés par la danse des cendres incandescentes vers les étoiles. Nous nous sommes livrés aux rouleaux d'écume et nous avons vu tant de fois le soleil se coucher sur l'horizon des mers ! La route nous a menés parmi les chênaies puis les hauts sommets enneigés et jusque dans une vallée secrète. Là, nous nous sommes lavés aux cascades et avons dormi à même le sol de la forêt. Et nous avons rêvé, oh oui nous avons rêvé !

Soleil couchant sur l'Atlantique
Portugal - Alanis

Nord-ouest - Nous avons vu des montagnes et des lochs, et des falaises peuplées de millions d'oiseaux !  Dans les îles, enivrés de bière brune et amère, nous avons caressé les pierres levées, traversé la passe sous les eaux, et rêvé aux anciens peuples pictes et vikings. Les phoques bondissaient, le dragon se cachait, les souliers étaient gorgés d'eau. Nous avons murmuré les vers de Shakespeare en arpentant la lande peuplée de lutins aux cheveux verts et de bruyère sauvage. Dans les forêts calédoniennes, fougères luxuriantes et plantes carnivores nous ont ramenés aux premiers âges de la Terre. Et, dans le petit matin pâle, des écharpes de brume ont dissimulé la côte, estompant encore davantage la frontière entre le mythe et la réalité.

Mère et fille sur le toit du château-ambulant, quand le soleil se couche sur les Hébrides

Centre - Le vent jouant dans nos cheveux et le soleil caressant librement notre peau, nous sommes retournés user nos semelles et raviver nos souvenirs sur les sentiers escarpés de l'enfance, à l'ombre des sévères sommets. Déjà les aigles nous accompagnaient. Puis nous avons goûté le fruit des vignes ensoleillées et traversé le fleuve bleu ; nous avons voyagé dans les monts brumeux et retrouvé la mer à la lueur d'un immense brasier païen ! Et nous nous sommes endormis au son de la pluie battant la surface de l'eau et le toit de notre château après avoir contemplé tout le jour les volutes de fumée s'élever de nos tasses de thé. Nous avons ralenti.

Forêt magique dans les Hautes Tatras (Slovaquie)

Nord-est - Nous avons découvert la vie de cabane. Fendre du bois, allumer un feu à l'écorce de bouleau, chauffer de l'eau, écouter la bouilloire siffler sous la futaie, dévorer des myrtilles sauvages. Et, au milieu des lacs innombrables et des forêts infinies, nous avons entendu le chant du loup. Rouler des jours durant, la thermos de thé à portée de main, la carte sur les genoux, des troupeaux de rennes traversant la route. Et, à la cime du monde, nous avons rencontré le peuple des aigles, nous avons bu à l'eau des ruisseaux et nous nous sommes étreints sous les aurores boréales. Nous avons croisé le regard des élans, joué avec les loutres, regardé danser les dauphins des fjords et vogué parmi les cachalots. Et nous avons continué de rêver. Et de tisser le rêve. Nous avons franchi des cols blancs et enneigés, et vu l'hiver parer les arbres de givre, transformer les cascades en draperies extravagantes et changer les lacs en glace le temps d'une ultime vague tendue vers la grève.

Féérie nocturne - Archipel des Vesteralen (Norvège)

Sud-est - Nous nous rappelons la puissance des volcans, la beauté des fleurs et la saveur des fruits, la fureur des villes et la douceur des troupeaux, et partout, la présence parfumée des nymphes et des dieux. Et la cité blanche, belle entre toutes ! Et la porte des lionnes ! Et les anses, baignées de lumières, dures comme la pierre et fouettées par les vents ! Et la grotte... la grotte du Dieu Pan qui s'ouvre sous les sapins lourds de neige au bout d'un sentier oublié, non loin du sanctuaire d'Apollon où s'élevait jadis le souffle prophétique. Au centre du monde. L'aigle tournoyait toujours. Et enfin, nous nous souvenons de "la Crique" : la route battue par les vagues, la falaise hantée par  le hibou, le fond marin brillant de coquillages comme autant d'étoiles tombées du ciel et le regard pétillant et sage de la Tortue. Ce sera doux et chaud de se remémorer qu'au sud, il existe une petite crique lumineuse et sauvage où nous avons eu la chance de vivre quelques temps.

Callista et Atala : moment béni au coin du feu dans notre crique secrète en Grèce

At the cross of wander and wonder - Mais je ne mentirai pas... Nous avons aussi connu le deuil et la douleur, le doute et le vide. Les épreuves et la félicité. La bienveillance et la solitude. L'exaltation du départ et la mélancolie du retour. L'abime et la cime. Les tempêtes et la poésie. Le monde des abysses et celui des nuées. La vie. Aux quatre coins de cette Europe sauvage et mythologique, jetés sur les routes sans foyer pour nous attendre, je me suis répétée cette phrase de J. R. R. Tolkien : tous ceux qui errent ne sont pas perdus. Tous ceux qui errent ne sont pas perdus... Tous ceux qui errent... ne sont pas perdus ! L'odyssée couve en elle la métamorphose. Et nous avons fini par trouver ce que nous ne savions pas chercher : des racines. Des racines avant de s'envoler puisque ce voyage était un tour d'adieu avant de s'expatrier. Des racines réelles, mythologiques ou rêvées ; des racines celtes, grecques et bohèmes. Parce que Titania est reine des fées, fille des titans, et lointaine descendante des gitans.

Les aquarelles de voyage de Callista : MND Paint-Horses version ledge art

Wild wild west - Maintenant, il est temps de se mettre en quête d'un foyer pour notre tribu. A la croisée du grand nord et de l'ouest lointain. Retrouver l'immobilité après le mouvement incessant et la réunion après la séparation. "Vivre replié dans un espace que le regard embrasse, qu'une journée de marche permet de circonscrire et que l'esprit se représente." voilà tout ce à quoi nous aspirons désormais. Une vie de ranch.

Le vent se lève !

PS : La fin du voyage ne signe pas la fin de ce blog, tout au contraire. Il sera désormais ce lieu où je partagerai notre aventure canadienne en famille, avec chiens-loups et chevaux. Pensez à vous abonner à la Newsletter pour ne rien manquer des prochains articles (il suffit pour cela d'entrer votre adresse mail dans l'espace dédié, au bas de la page d'accueil). Je tiens également à remercier ici tout ceux qui lisent régulièrement ce blog, m'encouragent à persévérer dans l'écriture grâce à leurs commentaires ou parlent de notre odyssée autour d'eux : MERCI !

La tribu !

Notre site internet : http://www.mnd-elevage-paint-horse.com