Un hippopotame à Naples

Un hippopotame à Naples


Una notte a Napoli, Con la Luna e il mare, Ho incontrato un angelo, che non poteva piu volar... En fait d'ange de Noël cloué au sol loin de son paradis originel, c'est un hippopotame que j'aurais pour ma part rencontré à Naples !

24 décembre 2017 - Una notte a Napoli

La route est dégagée, nous arrivons sans peine jusqu'à la sulfureuse ville de Naples. Nous traversons donc les faubourgs de la cité avec un frisson d'excitation ! Un nuage de pollution recouvre les immeubles mais le volcan émerge des brumes méphitiques, imposant avec l'aura de légende qui caractérise le tueur d'hommes ; il a la puissance d'un dragon capable de vomir du feu ou d'un demi-dieu aux fureurs imprévisibles. Tandis que le soleil plonge à l'ouest et enflamme les toitures de ses derniers rayons, nous nous dirigeons vers le géant, dans l'espoir de trouver un bivouac propice à cette soirée de réveillon. Nous grimpons au milieu des coulées de lave solidifiées, des arbres calcinés par un récent incendie et des accumulations d'immondices mais nul lieu où s'arrêter en toute sérénité ; aussitôt on vous alpague pour vous demander d'acheter une babiole ou pour vous mettre en garde contre le danger qu'il y a à dormir en bord de route dans cette région d'Europe. Quelle déception ! Nous ne sommes plus très loin de la bouche du Vésuve et nous sortons quelques minutes toucher la roche volcanique et admirer la célèbre baie de Naples, hélas elle se noie dans les vapeurs des pots d'échappement. Milan, mon petit homme des bois qui ne connait rien à la pollution cherche rapidement dans sa courte expérience et conclue d'un ton assuré : "ça sent la tronçonneuse !".

Nous redescendons avec l'idée de tenter notre chance vers la zone côtière. Nous traversons des faubourgs miséreux ; au pied des hauts immeubles un cirque a tendu son chapiteau coloré. Le temps d'un instant, mon regard est surpris par la silhouette contrefaite et solitaire d'un hippopotame au milieu d'un terrain vague, presque minuscule en dépit de sa corpulence tant il est seul au centre de toute cette démesure. La scène a quelque chose de saisissant ; décalée, inattendue et fortement symbolique tant de notre propre errance que des dérives de notre humanité. Et le choc esthétique ! La légende du lieu, l'incongruité de l'animal, la beauté désespérée de l'ensemble : le dénuement gris des habitations qui contraste avec les couleurs vives, opulentes et presque indécentes du cirque, l'univers de béton qui se heurte au souvenir lumineux de la savane et le cétartiodactyle abandonné et mélancolique qui vient focaliser le regard et catalyser les énergies en présence. Le désenchantement est total. La beauté absolue. Un hippopotame à Naples. Un ange déchu.

Un hippopotame à Naples

Aquarelle de voyage réalisée par Callista - La Fée-Garou

Conduire un volumineux camping-car à Naples est une expérience terrifiante ! Peut-être le meilleur moyen de vivre un Noël inoubliable ! Les ruelles sont particulièrement étroites et tortueuses, les scooters fusent de tous côtés (transportant parfois une famille entière : parents et nourrisson et la poussette aussi) et des véhicules sont garés partout - de préférence sur la chaussée -, le tout en pleine effervescence du réveillon. En fin de soirée toutefois, après maints lacets serrés et maintes bourgades traversées, nous atteignons l'ultime interstice ! Là la côte forme une pointe face à l'île de Capri : sur notre gauche une forêt de pins donne sur la mer en contrebas, et sur notre droite s'ouvre la baie de Naples qui se pare de lumières innombrables pour lutter contre l'obscurité ; l'homme du 21e siècle ne sait comment échapper à la nuit... Je suis lasse de chercher des interstices de nature, de silence et de paix (et de devoir m'en contenter) mais ce soir rien ne pourra entamer notre joie : un Noël simple mais victorieux, le retour de la lumière a bien lieu et nous le fêtons ensemble dans ce lieu tout à la fois insolite et grandiose.

25 décembre 2017 -  Noël en Italie

Une belle journée ensoleillée : le retour de la lumière est effectif ! Les larges pins se penchent avec bienveillance sur le château-ambulant, le Vésuve a la tête dans les nuages et la mer scintille jusqu'à l'horizon. Un petit arnaqueur essaie de nous faire croire que la forêt et les chemins de Grande Randonnée balisés sont en réalité "son jardin", si nous souhaitons faire un geste en échange de son hospitalité, sa sœur tient une boutique de souvenirs. On commence à comprendre l'équation locale : camping-car = touristes = pigeons. Mais nous, pauvre fou, nous voyageons en château-ambulant !

  • italie 021

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  • italie 052

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26 décembre 2017 - Pompéi

Nous marchons une dernière fois jusqu'à la pointe qui surplombe des criques inaccessibles au milieu des fleurs exubérantes et des effluves de fenouil sauvage. La silhouette bleue de Capri flotte sur l'eau calme. Mais il est plus que temps de reprendre la route. Nous sommes dans un état de stress indescriptible : nous sommes passés in-extremis il y a deux jours, nous ne sommes pas sûrs d'y parvenir une seconde fois ; aucun demi-tour possible, une voiture plus mal garée que les autres et... (je n'ose pas y penser !), une fois que nous nous serons engagés nous n'aurons pas d'autres choix que d'aller de l'avant. Au moment le plus critique, un autre véhicule s'engage en sens inverse. Mais c'est une vaillante napolitaine et en tant que telle, une as du volant qui n'hésite pas à refaire à toute vitesse et en marche arrière l'étroit trajet. Simultanément, l'antique sang italien de Yoann commence à refaire surface. Marié à une anglaise, il avait rapidement attrapé le savoir-vivre local lors de notre tour d'Ecosse : c'est que pour épargner la beauté des paysages, les routes y sont volontairement gardées étroites, et un système de passing places permet aux véhicules de se croiser. Seulement, c'était à qui aurait l'honneur de laisser passer l'autre, ce qui entrainait parfois d'assez longs échanges à distance, à grands renforts de gestes et d'appels de phares signifiant : "passez !", "non, je n'en ferai rien, passez plutôt !", "il n'en est pas question, c'est mon plaisir de vous laisser la priorité" et ainsi de suite. A Naples ?! A Naples, si vous faites cela, vous êtes un homme mort ! N'attendez pas de quartier, pas plus de la part de celui que vous croisez que de celui qui vous suit. Personne ne vous laissera passer en face, mais, si vous ne passez pas, c'est de vos arrières que viendra la menace. Un signe de faiblesse, et l'un ou l'autre se fera une joie de vous achever sans attendre... Je disais donc que le sang italien de Yoann s'était remis à frémir puis à bouillonner. C'est comme si après des années de domestication et de polissage, il retrouvait sa liberté. Oublié le savoir-vivre écossais, adopté le passage en force et la brutalité ! Un rapide coup d'œil : le véhicule est-il neuf ? C'est que son conducteur n'aime pas à l'endommager, il faut foncer. Une voiture toute cabossée qui n'a visiblement plus rien à perdre et l'habitude de fonctionner comme un bélier ? Il est préférable de s'abstenir. Bientôt Yoann manie avec aisance notre château-ambulant au milieu du chaos général, ayant rapidement acquis par ailleurs la finesse de communication développée ici par la population à grands coups de klaxons ininterrompus : une langue à part entière !

Nous traversons enfin Pompéi. Dans les jardins, les orangers et les mandariniers sont en fruits. Lorsque nous nous arrêtons chez l'habitant pour la nuit, nous pouvons nous enorgueillir de ne pas avoir infligé une seule égratignure à la carrosserie. L'accueil que nous recevons est plus que chaleureux ! C'est peu dire que cette famille a le sens de l'hospitalité. Nous peinons seulement à avaler les verres de soda trop sucré et à la fluorescence suspecte et les généreuses parts de panetons qui nous sont offerts tout autant qu'à les convaincre que Mallory et Milan sont bel et bien des garçons, malgré leurs traits fins et leurs boucles blondes ; ils sont trop différents des spécimens locaux.

Demain, nous irons à la découverte des Ruines.

 

Commentaires

  1. Océane

    juin 2

    Quelle effervescence! Je t ai écris sur messenger avant de lire ton article et je te parlais des villes!! L Italie m attirait quand j étais petite! Maintenant en lisant ton article je ne refuserai pas de la découvrir mais j ai peur d avoir peur de cette cohue!
    Le dessin de callista est vraiment très beau et véhicule un message assez fort. ..mais qu elle continue de dessiner!!! Encore et encore 😍
    En islande il y a un pompei boréal! Sans victime mais dans les années 70 un volcan est sorti comme un champignon et a craché toute sa colère pendant des mois! Si ça titille ta curiosité c est le volcan des îles Westmann 😉

    • titania

      juin 11

      Oui Naples, un lieu très différent de ceux qu'on a traversés au cours des derniers mois et pourtant, ville incontournable ! Après ça bien sûr, besoin de se ressourcer mais on n'oubliera jamais ce Noël ! Ah Callista, avec son aquarelle montre que les crayons apportent une dimension supplémentaire aux mots et aux photos : elle "encre" sa vision dans la réalité ! Oui l'Islande, terre explosive qu'il me tarde de découvrir depuis tes photos 😀

  2. Quel récit de Noël palpitant et magique! J'adore!!!
    Oui, je comprends tellement ce que tu décris de la désolation qui trouve - quand on prend le temps et l'ouverture d'esprit de l'observer - sa majesté et sa "Beauté".
    Le Licorne m'a dit une fois: "Observe la Terrible Beauté, et aime-la!" C'était violent, j'étais devant des détritus dans la Nature au milieu de fleurs et d'une végétation opulente - et étrangement, la couleur des bouts d'emballage de paquets de chips, ainsi que les canettes et bouteilles de bière laissés là, répondait "chromatiquement" à la nuance des fleurs... La colère et la tristesse nimbée de lassitude qui m'avaient d'abord assaillie ont laissé place (à l'écoute de ces mots) au constat qu'en effet, si je ne jugeais pas, l'ensemble de couleurs était étonnamment cohérent... "Observe la terrible beauté, et aime-la!"
    Oooh l'aquarelle de Calli... Quelle MERVEILLE!!!!!! Merci Calli de voir, de sentir et d'offrir ce regard avec sensibilité et talent! Je persiste - et suis totalement d'accord avec Océane - CONTINUE!!! <3

    • titania

      juin 11

      Oui si je ne devais garder qu'un seul souvenir de Naples, ce serait celui-là : la beauté absolue de cette désolation... ça me rassure que tu l'aies déjà perçue aussi et que ça ne te paraisse pas déplacé voire indécent 😉 Et Calli a su parfaitement donner vie à cette vision <3

  3. Auriane

    juillet 2

    Une période de fête mémorable qui s'inscrit dans nos mémoires encore plus. L'Italie en elle même ne m'a jamais vraiment attirée, par contre les ruines, le Vésuve, les mythologies, je suis à 100% pour.
    L'aquarelle de Callista est très belle et tristement vraie, et j'ai "mal" pour les animaux sauvages utilisés pour des fins humaines...
    Merci pour ce récit. ♥

    • titania

      juillet 3

      Peu à peu, le voyage qu'on avait surtout orienté vers les aspects sauvages de l'Europe nous a aussi entraînés vers sa richesse mythologique, et je crois qu'effectivement, tisser des liens avec ces racines est indispensable <3

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