Derniers jours en Écosse

Derniers jours en Écosse


"Ne pleurez pas parce que c'est terminé. Souriez parce que c'est arrivé."

Fin mai 2017

Nous sommes de retour chez ma tante près d'Inverness en Ecosse, le temps de quelques jours, avant de prendre le chemin de la France où nous attendrons la naissance du petit MND Standing Rock, le poulain tant attendu.

Nous en profitons pour aller visiter la brewery du voisin, prononcez : "brrrouweurrri" ! Seb a la vingtaine, un look déjanté tout droit sorti de l'espace et beaucoup d'idées. Il a commencé à suivre une formation de chimie tout en s'amusant à brasser de la bière dans son garage. Mais sa bière artisanale rencontre très vite un succès inattendu. Bientôt le hobby se transforme en activité professionnelle et sa petite entreprise - Speyside - embauche plusieurs employés. Il exporte aujourd'hui jusque sur les continents américains et asiatiques et s'il ne connaît pas un mot de français, il se débrouille très bien en chinois. Son slogan "Against the grain" traduit bien son parcours et peut revêtir tous les sens que vous lui trouverez, the grain pouvant évoquer aussi bien le mauvais temps que "la masse" et la pensée commune. Nous sortons de la brasserie avec le parfum des fleurs de houblon dans le nez, la saveur d'une IPA sur la langue, et une belle source d'inspiration pour nos trois "non-scos".

2 juin 2017

C'est l'anniversaire de ma tante et une party est organisée. Tout le monde est invité pour "le thé" mais bien entendu personne ne viendra pour l'heure dite (ça ne se fait pas comme chacun sait) et il ne sera d'ailleurs jamais question de thé. Le soir venu il y a environ vingt-cinq personnes présentes : une vingtaine d'écossais... et nous. A aucun moment pourtant nous ne serons laissés seuls et il y aura toujours quelqu'un pour venir s'entretenir avec chacun de nous, les Français. En face de moi, il y a un homme au look de prof désuet (dont j'apprendrai plus tard que la véritable profession est de "creuser des trous"). La conversation tourne autour d'une célèbre distillerie à whisky qui a fermé quelques années auparavant. Le "prof" déclare alors fièrement qu'il a tout de même eu le temps de leur acheter une bonne bouteille. Les yeux de ses interlocuteurs pétillent : "Et alors ? Il était bon ?" le pressent-ils. "Je ne sais pas !" se récrie "le prof" scandalisé, "je ne l'ai pas goûté, c'est un investissement !". Pas de doute, nous sommes bien en Ecosse.

Au fur et à mesure des heures qui passent, le volume de la musique augmentant, les bouteilles se vidant et les accents forcissant, je vous laisse imaginer comme la précarité de notre situation allait également en s'accroissant.  Et il y a ce moment où vous ne pouvez plus croire que la personne qui est en train de s'adresser à vous parle réellement anglais parce que vous n'avez juste rien compris. C'est à ce moment-là que d'un commun accord nous avons choisi de déclarer forfait et d'aller nous coucher avec un mal de tête qui ne devait rien à l'alcool. Ceci (le mal de tête), expliquant sûrement cela (la bévue), je commis un terrible impair en partant : j'allais dire au revoir à un ami de la famille en lui faisant la bise. Ou plutôt j'essayais. S'en suivirent quelques secondes extrêmement gênantes, ma joue tendue, sans que le dit ami comprenne ce que je lui voulais... Bref, on ne le redira jamais assez : on ne fait pas la bise aux britanniques.

Quelques jours plus tard

Et c'est bientôt le moment du départ. Ma tante me dit en pleurant qu'il ne faut pas pleurer parce que c'est fini, mais sourire parce que c'est arrivé. Dans l'impossibilité manifeste de respecter son dicton, elle nous demande de ne pas lui dire au revoir et de partir pendant qu'elle est absente. Le mardi matin, nous quittons donc The Elms, faisons une dernière caresse à Paddy et refermons soigneusement le portail derrière nous en emportant la lettre laissée par ma tante sur la table du petit déjeuner, les petits cadeaux et le souvenir des merveilleux jours passés ici.

Au soir, après avoir longé le mystérieux Loch Ness en discutant à bâtons rompus "monstres" et légendes, nous campons au pied de la face nord du Ben Nevis. Nous nous remémorons son ascension treize ans plus tôt. 1345 mètres d'altitude seulement, mais même les alpinistes chevronnés viennent s'y frotter. D'abord une succession pénible de marches glissantes. Puis, alors même que le soleil brillait en bas, nous avions rapidement rencontré un brouillard aussi épais que glacial. Au sommet, une ruine au pied de laquelle quelques silhouettes se blottissaient, prostrées, pour se protéger du vent et du froid. Une atmosphère de fin du monde. Mais nous l'avions fait, nous avions gravi le dragon. Les montagnes ne sont pas des obstacles mais bien des invitations  à s'élever.

Au matin suivant, profitant de ce que tout le monde dort encore, je pars marcher en tête-à-tête avec les chiens. Le Ben Nevis a toujours la tête dans les nuages. Tout autour du camp, poussent des digitales de pourpres à long calice. Un panneau raconte les différentes périodes de glaciations qui ont façonné le paysage il y a quinze mille ans puis à nouveau mille ans il y a dix-mille ans ; il n'y a pas que dans Game of Thrones que les hivers durent longtemps. Dernière déambulation dans les forêts écossaises au milieu des sapins, des mousses et des fougères. C'est aussi douloureux de dire adieu à ce pays qu'aux gens qui l'habitent. Je respire plus profondément, tâchant de faire le plein D’Écosse dans le petit matin.

Puis nous reprenons la route, à travers montagnes et lochs, en direction de l'Angleterre. A la tombée de la nuit, une ultime halte dans un petit pub de village, The bay horse. Un nom qui sonne pour nous comme une invitation à entrer. Et tout y est chaleureux : les petites pièces au plafond bas, la moquette et les canapés et bien sûr l'accueil de la barmaid et de la maîtresse de maison. Le ventre plein, nous trouvons ensuite à dormir sous un bosquet près d'une rivière. Le coin est calme mais nous nous rendons rapidement compte que le sous-bois est tapissé d'ail des ours aux effluves entêtantes ! C'est drôle comme les odeurs ont le pouvoir de nous faire voyager. Quelques années en arrière, lors d'un trekking sur le GR96, nous avions malencontreusement planté notre tente sur un tapis d'ail des ours là aussi plus qu'odorant.

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L'Angleterre

En une journée, traversée de l'Angleterre du nord au sud, direction le tunnel sous la Manche, la France et aussi l’Été. Sur l'autoroute, nous croisons de longues files de gypsies dont beaucoup voyagent encore avec roulottes et chevaux. Les roulottes comme les chevaux sont hauts en couleur et je savoure le clin d'œil avec émotion : je viens tout juste d'apprendre que certains de mes ancêtres étaient gitans et, comme je m'apprête à quitter le pays, voilà que cette rencontre m'est offerte. Je n'aurais pu imaginer une plus belle façon de clore ce tour d’Écosse et d'ouvrir la porte à la suite. Ce voyage est une initiation.

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Commentaires

  1. Yañig

    novembre 8

    En vous lisant j’ai entendu le tumulte des voix à l’accent indéfinissable ainsi que les effluves aromatiques de la bière et aliments divers
    Senti également la chaleur et jovialité de cette «party »
    L’emotion d’un au revoir est si palpable que nous donne le sentiment que nous aussi nous devons partir sur la pointe des pieds
    Merci de nous avoir inviter avec vous auprès des votres
    La terre d’Ecosse est tout aussi envoûtante et chaleureuse que ces habitants
    beairteas fearann ​​na h-Alba.
    taing dhut airson an fhàilte a chaidh a thoirt thugaibh agus airson ar bruadar a dhèanamh oirnn a bhith
    a 'fuireach air falbh
    (Certainement pleins de fautes mais avec le coeur,
    « Au tevoir terre d’Ecosse.
    merci pour l’acceuil fait au tiens et pour nous avoir fait rêver nous rester au loin »)

    • titania

      novembre 16

      Oh merci pour ces vers écrits dans la langue du coeur !

  2. Oceane

    novembre 9

    Voilà moi qui n arrive jamais à l heure ce genre de réception me conviendrai parfaitement!!
    Quels paysages magnifiques! Il me tarde de lire la suite de votre voyage 😜😁
    Mais j adore j aurai aimé voir ce voisin brasseur atypique et encore l ambiance de votre soirée à l accent écossais! Que de belles rencontres!
    Les gypsies!!! Exactement l image que l on peut avoir d eux! Et finalement ton goût du voyage vient peut être de ces ancêtres là...
    Connais tu le cheval venu de la mer?

    • titania

      novembre 16

      Oui la suite, j'ai déjà quelques mois de retard sur nos aventures ;D
      Oui j'ai vu l'enfant de la mer quand j'étais enfant, j me disais justement qu'il fallait que je le montre à mes enfants out en repoussant le moment car j'en ai gardé le souvenir d'une profonde tristesse mais de tant de beauté !

  3. Auriane

    novembre 14

    "il ne faut pas pleurer parce que c'est fini, mais sourire parce que c'est arrivé." C'est tellement beau et inspirant. De merveilleux souvenirs que vous avez emporté avec vous en revenant en France et merci de nous les partager comme toujours avec des mots qui résonnent et des photos sublimes.
    Les écossais sont vraiment "à part" et c'est ce qui fait leur charme ♥

    • titania

      novembre 16

      Oui c'est une phrase pleine de sagesse... et oui, oui, oui, les écossais forment un peuple merveilleux

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