Tous les chemins mènent à Rome

Tous les chemins mènent à Rome


Les paysages toscans qui défilent, une amitié improbable au creux de la nuit et les lumières de Rome !

21 décembre 2017 - Le vieil homme et la bête

Nous passons la frontière italienne. C'est une succession de ponts et de tunnels, de lumière et d'obscurité. A chaque fois que nous retrouvons la vue, nous en profitons pour lorgner brièvement vers la mer étale à notre droite ou vers les montagnes auxquelles s'accrochent de petits villages pittoresques, sur notre gauche, avant d'être aspirés dans le noir à nouveau. S'en suivent ainsi plusieurs heures de route entre sommets enneigés et mer méditerranée vers la Toscane. Le soleil se couche sur l'eau, c'est beau. "Regardez la Lune !" s'exclame ensuite Callista. Je songe, amusée, que nous aurons au moins réussi cela : nos enfants seront de cette sorte de gens qui s'émerveille de la lune et la désigne à leur voisin. Le croissant lumineux est mince et délicat tout en laissant entrevoir le cercle parfait de l'orbe. Nous avons passé Gênes d'où se sont très certainement élancés les lointains ancêtres marins de Yoann et nous nous arrêtons en bord de mer, au nord de Pise, avant de bifurquer demain vers l'intérieur des terres et Florence. Réaliser un tour d'Europe de ses origines réelles et mythologiques comme nous sommes en train de le vivre prend des allures de pèlerinage. Andalousie, Angleterre, Ecosse, Italie, Grèce... La richesse de ces cultures est le trésor en héritage de nos enfants et un antidote puissant contre le repli identitaire, la peur de l'autre et une vision étriquée de la vie. Après tout, n'avons-nous pas découvert cette année à l'occasion du voyage que nos origines plongent manifestement leurs racines jusqu'aux contreforts himalayens ? Et n'avons-nous pas été pendant près d'une année et dans chaque pays traversé, des "étrangers" ?

La nuit est tombée. Nous respirons les arômes de poire et de litchi du thé Lady Yang Guifei, du nom d'une des quatre beautés de la Chine ancienne aux amours tragiques : concubine favorite de l'empereur, la désapprobation de la cour la condamnera pourtant à se pendre sous ses yeux désespérés... Je tiens le journal de ces derniers jours, Yoann lit toujours les aventures de l'Assassin Royal, Calli est plongée dans son manuel d'astronomie et partage ses découvertes avec chacun, Mimi développe son adresse au Rondin des bois, Mallo réalise les croquis de ses prochaines inventions, les chiens ronflent sous la table. En somme, une belle soirée sur la Terre. Et toujours sur nos lèvres, cette mélodie qui nous accompagne dans cette partie du road-trip : "J'aimerais tant voir Syracuse, l'île de Pâques et Kairouan, voir les grands oiseaux qui s'amusent à glisser l'aile sous le vent..." Oui le vent souffle toujours dans nos voiles.

Puis Yoann sort les chiens dans la nuit, sur le parking de terre battue bordé par les landes d'un côté et la station balnéaire abandonnée de l'autre. Quelle n'est donc pas sa surprise de se retrouver littéralement nez à nez avec une harde de sangliers ! Ils nous observent, font face et s'approchent. Ils ne sont pas agressifs, ils semblent plutôt attendre quelque chose de notre part avant de comprendre que nous ne sommes visiblement pas au fait des us et coutumes locales. Quémandent-ils de la nourriture ? Nous ne nous risquons pas à leur en distribuer, je sais que nourrir un animal sauvage - grizzly d'Alaska ou canard de nos étangs - c'est rarement lui rendre service. Ils s'en retournent, dépités.

Vers vingt-deux heures des véhicules surgissent et se garent près de notre château-ambulant. Nous avons l'habitude de bivouaquer dans des lieux isolés et donc le réflexe de repérer et d'identifier rapidement les personnes qui viennent partager notre espace et notre quête d'isolement : soit, à vingt ans des dealers en tous genres, et à quarante des couples illégitimes plus ou moins exhibitionnistes ; ce soir ils ont la soixantaine - nous sommes perplexes. Que viennent-ils faire ici après la tombée de la nuit ? Lui a les cheveux grisonnants, elle un fichu sur la tête. Il sort de son véhicule, ouvre le coffre, fait les cent pas, allume une cigarette, siffle comme un oiseau, attend à nouveau. C'est de plus en plus mystérieux. Et puis la harde fait son grand retour. Un jeune marcassin vient se faire gratter le sommet du crâne comme un chien, le coffre se révèle débordant d'épis de maïs, et une dizaine de sangliers se presse bientôt autour du couple. Même les plus âgés se risquent à venir manger dans les mains tendues. L'homme parle italien avec force gestes au milieu de la troupe et, dans la lueur orangée et diffuse des lampadaires, l'ambiance est fantasmagorique. Enfin, dans la semi-obscurité, l'homme se penche vers l'énorme sanglier et celui-ci se dresse et ouvre grand sa gueule pour attraper l'épi : l'espace d'un court instant, le visage du vieil homme fait face à celui de la bête béante ; j'ai manqué une grande photo. L'homme, cette espèce imprévisible, qui ici canarde les bêtes et là les nourrit de sa main. Quelle est l'histoire de cette étrange amitié ?

22 décembre 2017 - La Toscane

Avant de reprendre la route, je file à la plage avec les enfants (Alanis compris évidemment) : sur le rivage, bois flotté, coquillages violets et détritus. Aujourd'hui, nous roulerons jusqu'à un petit village toscan qui surplombe les grands oliviers et les lumières de Rome !

23 décembre 2017 - Tous les chemins mènent à Rome

A vivre trop longtemps hors du monde, on en oublie quelques règles de survie élémentaires à la vie en société et en cette veille des fêtes de Noël, nous voilà piégés sur une autoroute bondée. Les axes secondaires ne sont pas moins encombrés ; comme chacun sait toutes les routes mènent à Rome et tous les italiens semblent vouloir s'y rendre ce jour, transportés par la ferveur religieuse et la piété familiale. Nous ne ferons que quelques pénibles et laborieux kilomètres aujourd'hui. Mais demain, qui sait, nous réveillonnerons peut-être sur les contreforts du Vésuve !

Commentaires

  1. Océane

    mai 30

    De ce que j ai pu voir en photo la Toscane parait très belle! Quel bonheur de voir que nos enfants peuvent s émerveiller de choses que d autres trouveront insignifiantes et pourtant tellement belles...si on les regarde vraiment😉

    • titania

      juin 2

      Tu ne crois pas si bien dire, mon appareil photo est rempli d'insectes, de fleurs et d'escargots avec eux ! J'imagine que c'est pareil pour toi d'ailleurs !

      • Océane

        juin 2

        Je te laisse imaginer! La petite fleur là cachée derrière ce cailloux et puis ce rocher avec ses motifs...la fougère qui s ouvre à peine rappelant la coquille d un escargot....bref....à la fin de la journée...il y a des centaines de photos....en islande parfois 1000 par jour (bon je plaide coupable le mode rafale est hyper sensible ... il faut la force d un papillon pour provoquer une rafale!!!)

  2. Auriane

    juillet 2

    Je rejoins Océane, la Toscane semble sublime même en ce mois de décembre, je n'ose imaginer au printemps, avec la renaissance de la flore ♥ Je n'ai malheureusement pas pu raté la tristesse de cette phrase : "sur le rivage, bois flotté, coquillages violets et détritus". L'homme n'apprendra t'il donc jamais à respecter autrui (faune, flore, humanité) ? En tout cas, je peux dire que je suis comme Callista, je m'émerveille pour peu de chose.

    • titania

      juillet 3

      Oui tant d'émerveillement au cours de ce voyage et en même temps tant de sources de tristesse... j'ai malgré tout fait le pari de voir la beauté partout et comme toi, je trouve que rien n'est trop petit pour cela !

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