A la découverte des Hautes Tatras

A la découverte des Hautes Tatras


La suite de notre chemin vers la Scandinavie nous amène en août à traverser la Slovaquie : le temps d'explorer un recoin sauvage des Carpates (les Hautes Tatras), de faire une mauvaise rencontre avec la cuisine locale et d'avoir nos premiers démêlés avec la police !

"No matter how chaotic it is, wildflowers will still spring up in the middle of nowhere." Sheryl Crow

"The more slowly trees grow at first, the sounder they are at the core, and I think the same is true of humans beings. We do not wish to see children making great strides in their early years like sprouts, producing a soft and perishable timber, but better if they expand slowly at first, as if contending with difficulties, and so are solidified and perfected. Such trees continue to expand with nearly equal rapidity to extreme old age." Henry David Thoreau

Cette page de mon journal manque... Elle a dû s'arracher et s'envoler je ne sais où, semant mes mots aux quatre vents, et cette idée me plait ; nombreuses sont les plantes qui choisissent de confier leurs graines au souffle, pourquoi ne ferais-je pas de même ? Néanmoins je me rappelle avec acuité ce soir-là, quand après avoir traversé des zones industrielles déprimantes dans le sud-est de la Slovaquie nous sommes arrivés à la nuit tombée dans les Carpates, et plus précisément les Hautes Tatras, au nord du pays. La petite route de montagne montait en sinuant dans la forêt obscure et sauvage, le brouillard s'était levé et des écharpes de brume s'accrochaient au bitume en ondulant lascivement, tandis que des hordes de grenouilles jaillissaient des sombres sous-bois. Rappelez-vous enfin la légende de Dracula dans les Carpates roumaines et vous aurez une idée générale de l'atmosphère étrange, fascinante et légèrement angoissante qui imprégnait les lieux cette nuit-là. C'est le moment que choisit notre château-ambulant pour être pris de cahots ; le voyant de l'injection brillait à nouveau sur le tableau de bord ! Je crois que nous redoutions tellement de tomber en panne à ce moment-là et dans cet endroit-là qu'il nous semble avoir terminé l'ascension par la seule force de notre volonté tendue en avant.

Le lendemain, nous découvrîmes la forêt autour de nous et sous le soleil elle semblait complètement différente de la veille. Un joyeux paysage alpin ! Protégée depuis plus d'un siècle, elle avait autrefois presque disparu au profit des exploitants forestiers puis des éleveurs. Mais lorsqu'ils furent chassés avec leurs bêtes pour laisser la place au peuple des arbres, les bergers maudirent-ils la Forêt ? Car un siècle plus tard, en 2004, une terrible tempête s'abattit sur les arbres, les fauchant par milliers dans leur gloire naissante. Le paysage raconte encore la violence rencontrée par ces arbres orphelins qui, livrés à eux-mêmes, avaient peut-être grandi trop vite et trop haut sans s'assurer de la profondeur de leurs racines. Car il en va des jeunes arbres comme des adolescents. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais les survivants, fragilisés, n'étaient pas encore hors de danger et furent dès lors la proie des insectes xylophages. Une guerre contre la montre était depuis engagée entre les scarabées et les hommes, ces derniers étant contraints d'abattre eux-mêmes encore davantage de survivants dans une tentative désespérée pour circonscrire l'invasion. Cà et là, la silhouette d'un vieil arbre, victorieux mais solitaire, se dressait vers le ciel. Solitude digne et majestueuse plus bouleversante encore que la dévastation environnante. Mais la nature aussi s'employait activement, ingénieusement et patiemment à panser ses plaies et, là où l'homme n'avait aucune chance, je lui faisais confiance pour retrouver l'équilibre. Les épilobes aux graines légères comme le vent avait déjà entrepris de recoloniser les pans de montagnes dénudés. Et d'autres plantes n'hésitaient pas à confier leur précieuse semence au pelage de nos chiens-loups avec l'espoir qu'ils les sèmeraient en un lieu propice. Peu importe le chaos, les fleurs sauvages toujours parviennent à germer...

 

Enfin, le sentier nous sortit des ornières creusées par les engins et nous emmena dans une partie préservée de la forêt, ouverte aux randonneurs seulement un cours laps de temps dans l'année : le reste du temps, elle était le domaine réservé des arbres, des bêtes et des dieux. Nous nous enfoncions dans les Carpates. La lumière du soleil jouait par endroits avec le torrent, mais le sous-bois se faisait globalement plus sombre, plus intimiste, plus magique : suspendues aux branches, de longues barbichettes de lichen s'écartaient sur notre passage, le sol absorbait doucement le choc de nos pas et de généreux buissons de myrtilles tendaient leurs fruits vers nous, émerveillant tous mes sens. A chaque instant, je m'attendais à entendre le rire des fées. Et c'est là que je me suis rendue compte à quel point la photographie avait changé mon regard sur le monde, comme si elle l'avait rendu plus sensible et plus éveillé, plus conscient de la lumière, de la perfection du détail ou de l'harmonie du Tout. Il en va de même avec l'écriture qui me rend plus attentive, notamment à tout ce que mon appareil ne peut capter : les sons, les odeurs, les pensées et l'immensité... Que ce soit avec de l'encre ou de la lumière, écrire est une quête.

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Reprise du journal : Le 21 août au soir, afin de fêter les quatre ans de Milan, nous nous rendons au seul restaurant existant à des lieux à la ronde : un simple chalet, dans un petit hameau au milieu des arbres. Nappe à carreaux, musique slovaque et menu slovaque pour quelques euros. Nous sommes toujours curieux et enthousiastes à l'idée de goûter à une cuisine qui nous est inconnue, et nos précédentes expériences culinaires nous ont rendus confiants, peut-être un peu trop. Le bouillon proposé en entrée n'est pas franchement mauvais mais que dire du plat, visuellement déstabilisant car uniformément blanc : il s'agit visiblement d'une généreuse portion de gnocchis à la crème sour (crème aigre en français) et au choux fermenté que nous n'arriverons pas avaler malgré tous nos efforts et que nous disperserons finalement dans nos assiettes comme des enfants coupables. Rien de commun avec l'horreur culinaire contenue dans les récits de voyageurs occidentaux revenus de la Mongolie mais tout de même, un écœurement qui persista quelques jours à la simple évocation de ce repas. 

Le 22 août, nous reprenons la route et parcourons la Slovaquie d'est en ouest. Trajet monotone, de villes en bourgades, avec une grosse présence policière le long des axes. Dans un village, un agent se lance en travers de la route : pas de doute, cette fois-ci c'est pour nous. Si ce n'est pas malheureux d'avancer cahin-caha avec un camping-car et de tout de même se faire arrêter pour excès de vitesse ! Le policier demande à voir les papiers du véhicule et du conducteur, demande si nous parlons anglais (s'excuse du sien) et, après que nous avons acquiescé, il demande avec un large sourire : "Yoann, c'est bien ton prénom ?" Quand un policier vous tutoie et vous appelle par votre prénom, ça vous met tout de suite vaguement mal-à-l'aise. "Viens Yoann, viens avec moi." Il lui montre l'enregistrement radar pour preuve de sa bonne foi et demande aussitôt si nous avons du liquide. Non, nous n'avons rien. Il demande dix euros, nous ne les avons pas. Toujours aussi chaleureux, il nous affirme que ce n'est pas un problème, il nous escortera jusqu'au guichet le plus proche. Là, Yoann retire le minimum, soit vingt euros. Aussitôt le flic demande dix euros supplémentaires, c'est pour son collègue qui attend dans la voiture, explique-t-il. Vingt euros d'amende, on s'en sort encore bien et Yoann lui tend le second billet. "Eh bien, merci Yoann !" "Eh bien, de rien, heureux de vous avoir rendus service !" avons-nous envie de répondre mi-figue, mi-raisin. Nous reprenons la route avec une vigilance accrue, comprenant soudain mieux cette intensité des contrôles sur les routes, visiblement la façon locale d'arrondir les fins de mois. Et nous arrivons finalement en Pologne... où hélas, la conduite nous réservera bien d'autres surprises.

Comme toujours, un grand merci de m'avoir lue. Si l'article vous a plu, si vous chérissez les mêmes passions, n'hésitez pas à faire vivre ce blog en en parlant autour de vous, en partageant les textes ou en laissant un commentaire. Et pour ne rien manquer des prochains articles, vous pouvez vous abonner à la Newsletter, il vous suffit pour cela d'entrer votre adresse mail dans l'espace dédié en bas à gauche de la page d'accueil. Au plaisir d'échanger avec vous, Titania

Commentaires

  1. Océane

    février 15

    Ta photo de couverture est magnifique! Les autres aussi! Que c est beau! Quel pays!
    Tu devrais faire attention il y avait un lutin parmi vous!
    Police particulière....

    • titania

      février 15

      Merci Océane <3 Un lutin gourmand ou un lutin barbu ?!
      Oui police particulière, un reçu ? Quel reçu ?!

    • MICHELLE

      février 19

      un lutin....!!!!! oui..... je dirais plutôt un troll.... hihihi ou un gnome hohoho
      super bien rendu en tout cas.... quelle vraisemblance

      • titania

        février 20

        Et quel fou-rire dans la forêt !!

  2. MICHELLE

    février 17

    Beaucoup d'émotions à la lecture de ton récit, pour cette forêt qui a tant souffert..... elle va renaitre si l'homme est sage???!!!!

    mais plus sage que ces policiers.....
    magnifique récit

    • titania

      février 18

      Oui elle va renaître... au pas de la nature, celui de la patience. Il faut des siècles à une forêt pour se régénérer complètement et pour refaire ce qui a été défait...
      Merci Michelle !

  3. Auriane

    février 19

    De magnifiques photos qui donne envie d'aller dans la forêt et de s'y poser tranquillement admirant la nature. Pour ce qui est du repas et des policiers, bon, il faut toujours des mésaventures sinon les aventures n'auraient pas le même goût 😉 (je dis ça, mais j'aurais paniqué +10000 à votre place). Merci pour ce partage.

    • titania

      février 20

      Ouiii il faut un peu d'aventures, sinon je n'aurais rien à raconter moi ! Mais c'était trois fois rien, on a vécu bien pire récemment 😀

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